Africa Renaissance

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L'Egypte éclaire l'Afrique 2

Même Osiris est une expression du Dieu Grand Neter,  car il possède en lui l’Ankh, le véritable être de l’homme, son moi divin, le cœur qui est le symbole de sa véritable personnalité[1]. Le terme Ankh est proche d’Ankoman, le cœur chez les Akan. Le rituel d’Osiris consiste à faire du défunt un homme parfait, un homme réalisé comme l’est et l’a été Osiris qui a mené une vie exemplaire avant d’aller dans l’au-delà pour en être le roi. Ce rituel pour la perfection, n’en bénéficiait que ce dont la vie peut servir de modèle.

Le maître invisible de ce mystère était Inepou / Anoupe / Anubis « dieu » chacal, l’embaumeur du cycle légendaire d’Osiris[2]. Il était l’esprit protecteur des morts. En scrutant les croyances akan, l’on peut saisir le rôle de cet esprit. En effet, le chien, canidé comme le chacal aurait été le premier animal apprivoisé par l’homme ; aussi, le premier clan humain d’après les traditions akan est celui des Aduana / Ahua / Ndweafo ou clan du chien. C’est donc en vertu de cela que l’esprit du chien demeure le compagnon de l’homme même dans l’au-delà.

Hôr, Iset, Osiris sont des êtres humains parfaits. Hôr le fils, Iset la mère, Osiris le père qui ont eu chacun une vie exemplaire et donc ont été élevés au rang de divinités. Hôr est le modèle de tout fils, Osiris celui de tout père, Iset celui de toute mère. Ils sont donc des ancêtres. Osiris l’homme parfait, le grand ancêtre, l’ancêtre suprême juge les défunts dans la salle dite des deux Maat[3]. Maat est aussi le symbole de l’ordre universel. Il faut entendre par les deux Maat, les deux justices[4], ou mieux, la justice et la vérité.

De même chez les Akan, les ancêtres ont un droit de regard sur la vie de leurs descendants, ils les punissent s’ils commettent des fautes graves, les récompensent souvent de leurs bénédictions. Aussi, la fête des ignames consiste à rendre grâce aux ancêtres. Noter l’expression égyptienne des deux justices, car comme le dit un dicton akan, le sabre de justice a une double lame qui frappe à gauche et à droite, soit l’on est blanchi, soit l’on est condamné.

Iset fera une libation avec du lait pour l’âme de son époux Ousir / Osiris et conformément à ce geste, les Egyptiens de Thèbes en faisaient autant pour leurs défunts[5]. C’est la « déesse » des morts Nout sur qui l’âme du défunt venait se poser sous forme d’un oiseau à tête humaine pour recevoir l’eau fraîche de la libation[6]. Après le rite pour la perfection ou le rite d’ancestralisation, le mort devenait intercesseur comme ce fut le cas du scribe architecte Amenhotep au service du pharaon Aménophis III. Il fut élevé après sa mort au rang de sage et devint un ancêtre intercesseur[7].

Le mort faisait donc l’objet d’une attention particulière avec les rites de purification, « d’ouverture de la bouche » et de momification[8]. Les Akan honoraient beaucoup leurs ancêtres et la fête des ignames est avant tout une fête qui commémore les ancêtres. Le rite « d’ouverture de la bouche » consistait pour le fils du défunt à capturer à la chasse l’âme échappée du corps de son père et l’y réintroduire[9]. A première vue, l’information paraît énigmatique. Comment aller à la chasse rechercher une âme ? Les croyances akan permettent de comprendre ce rituel égyptien. En effet, chaque âme humaine est censée être symbolisée par une figure animale. C’est ce que les Akan appellent Bafa / Ntoro et qui n’est autre que le principe du totémisme et du culte des esprits protecteurs en ligne paternelle.

C’est donc l’animal-totem que le fils du défunt va chasser. Car le fils, et surtout le fils aîné croyaient les Egyptiens à une personnalité qui est la continuation de celle de son père[10]. On reconnaît là le principe du Ntoro des Akan dont nous avons dit qu’il traduit l’esprit du père dont les enfants héritent et qui veut donc qu’ils vénèrent les esprits tutélaires en ligne agnatique. En vertu de ce principe, Lourith, fils du pharaon Osorkon est devenu grand prêtre au nom de ce dernier.

Les Egyptiens avaient coutume de disposer lors des funérailles des vases dans la tombe du défunt. Ainsi, les textes font état de vases-canopes fournis par dotation funéraire de Toutankhamon pour des gens moins importants et qui comportent des figurines en cire de quatre enfants d’Hôr[11]. De même, les Akan disposaient des statuettes funéraires en terre cuite sur les tombes ou en des lieux spéciaux en l’honneur de leurs morts. Ces lieux sont les Masso et les statuettes funéraires en terre cuite sont appelées selon les groupes Akan Ma, Ton Dodè, Nsor.

Les Egyptiens paraient leurs morts d’un anneau d’or, souvent une bague chevalière qu’ils avaient aimée porter de leur vivant. Toutankhamon en portait un à chaque doigt[12]. De cela, les Akan en faisaient de même. Parmi les soins que les Egyptiens apportaient aux défunts, il y a la momification dans laquelle intervient la cérémonie d’emmaillotement des jambes. L’on met quatre sachets de la plante Ankhim à l’extrémité des jambes du mort[13]. Maints groupes akan momifiaient aussi leurs morts. Chez les Eotilé / Mekyibo, le procédé consistait en une semaine de traitement, à faire le dessèchement puis le racornissement des chairs dont l’état restait stable moyennant quelques fumigations et exposition au soleil[14].

Une plante de la famille des Agavacés dite Dracena Arborea Guinéensis que Mekyibo appellent Ebobia et les Agni Ewanzan Kpean, était placée au chevet et près des jambes du défunt[15]. La similitude du geste des Akan et Egyptiens est édifiante. Egyptiens et Akan croyaient en la puissance de la parole. Pour eux, le nom exprime l’essence même d’un être et d’un objet et lui confère l’existence. Nommer les choses revient donc à les créer. Prononcer le nom propre d’une personne, c’est la faire vivre dans une création permanente. L’on peut le faire avec une intention favorable, ou l’on peut s’en servir pour nuire[16]. C’est conformément à cette croyance au pouvoir de la parole que l’on fait des libations en nommant les âmes et les esprits qui sont invoqués.

Chez les Akan, cela a deux aspects, quand il s’agit de paroles d’imprécations, c’est le Sansanbo / Amon wa / Bo dua, mais quand ce sont des paroles de bénédictions, on parle de Mpayebo. Invoquer donc les défunts pour les Egyptiens consiste à appeler leur Ka et leur Ba. Pour J. C. Goyon, le Ka recouvre la notion d’énergie vitale tandis que le Ba est une sorte d’incarnation spéciale de l’esprit du défunt. De même pour les Akan, invoquer un mort, c’est appeler son Kra (âme) et son Sunsum (esprit). L’iconographie représente la manifestation du Ba sur les traits d’un être fantastique mi-homme, mi-oiseau. Le Ba a la faculté de se transporter au lieu de son choix en un temps record. Aussi conduit-il le défunt à traverser le grand lac Khouson[17]. Les Akan croient aussi que les âmes des morts traversent un cours d’eau. Aussi, un peu de poudre d’or, leur monnaie était mise dans la tombe pour le paiement de la traversée.

Chaque région égyptienne était appelée Nome, dirigée par un responsable et possédant un « dieu ». Chaque région akan est un Man / Oman (région et peuple) dirigé par un chef et possédant un esprit tutélaire, un Bossom principal. Akan et Egyptiens vénéraient les cours d’eau, sources de vie et donc sacrés. Le Nil était sacré et la nilométrie, quand l’eau montait dans les canaux pour permettre l’irrigation des champs, une bonne récolte éventuelle, marquait l’année nouvelle.

Pra, Birim, Tano, Sobore, Afram, Comoé étaient autant de fleuves sacrés pour les Akan. Le Nil sacralisé est appelé Hapy et figuré comme un être androgyne, poitrine pendante, ventre ballonné, les bras chargés de fleurs, fruits et poissons[18]. L’idée de prospérité est ici évidente.

 

CONCLUSION GENERALE

Cette étude comparative entre la culture égyptienne antique et la culture akan a montré des points de similitudes en maints domaines. Les Akan avaient connaissance des pyramides qu’ils ont représentées sous formes de figurines dans les paquets de trésor royal, familial ou individuel. Les symboles du pouvoir aussi bien chez les Egyptiens anciens que chez les Akan étaient semblables.

Ils croyaient au principe de la dualité, de la conception cyclique du temps, en la sacralité de la royauté. Il y avait une identité parfaite de vue quant au rôle du pharaon chez les Egyptiens ou de l’Ohene (roi) chez les Akan.

Au niveau de la religion, leurs croyances sont très identiques. Tout cela peut-il être mis sur le compte du hasard ? Nous pensons que non. Les Akan, nous l’affirmons, ont été à l’époque antique des habitants de l’Egypte pharaonique sans doute de la région de Thèbes où les pratiques funéraires sont le plus proches de celles des Akan.

Bref, Cheikh Anta Diop a eu raison, les descendants des fondateurs de la civilisation pharaonique sont en Afrique noire. Les Akan en font parties.                                                             

BIBLIOGRAPHIE

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2)        Articles généraux

 

BAHUCHET (Serge) « L’invention des pygmées », Cahiers d’Etudes

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[1] KABA (Matungulu) « La tradition dans son expression pharaonique et africaine. » Nomade revue culturelle pp 264- 269. p 266.

[2] GOYON (Jean-Claude) Op cit p26.

[3] Ibidem. P57.

[4] Ibidem. P57.

[5] GOYON (Jean-Claude) Op cit . P52.

[6] Ibidem. P45.

[7] Ibidem. P52.

[8] Ibidem. P12 ; 13.

[9] Ibidem. P14.

[10] MENU (Bernadette). Op cit p117.

[11] GOYON (Jean-Claude) Op cit p32.

[12] Ibidem p32.

[13] Ibidem p78.

[14] POLET (Jean) « Archéologie des îles du pays Eotilé. La nécropole de Nyamwan : modes d’inhumation » Annales

                               de l’Université d’Abidjan Série I Tome XIII, Histoire 1985. pp 7-24. p16.

[15] POLET (Jean) Op cit. p16.

[16] GOYON (Jean-Claude) Op cit p204 ; 205.

[17] Ibidem p214.

[18] LALOUTTE (Claire). 0p cit P10.



21/01/2009
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