circoncision et excision
Circoncision et excision :
Une vision spécifique du monde
Il y a une constance dans l'évolution des sociétés humaines : leurs convictions, leurs idées et idéaux… sont pour l'essentiel la résultante et le résultat de cosmogonies, de légendes pour la plupart devenues aujourd'hui incompréhensibles ou senties comme puériles. Cela est une donnée absolue ! A notre connaissance aucune nation, aucun peuple n'est dépourvu de légendes. Or celles-ci sont si étroitement imbriquées dans leur mental, qu'il est souvent difficile de séparer le présent du passé, l'actuel de l'acquis. L'exemple est parlant. Aujourd'hui tous les chrétiens se reposent dimanche. Pour d'autres confessions religieuses, c'est d'autres jours de la semaine. Il faut recourir à
Mais les autres frères qui ne sont pas chrétiens sont-ils dignes de notre mépris ?
La circoncision et l'excision sont des pratiques multimillénaires, d'essence cosmogoniques, qui donnent une explication cohérente de la création de l'univers dans le mental du Négro-africain. On peut ne pas partager la croyance et donc reprouver les pratiques, mais on ne doit aucunement leur témoigner du mépris, ni aucune attitude de nature à complexer ceux qui y croient. Une croyance ou une pratique peut tomber en décrépitude. Cela est normal et la société dépositaire l'abandonne. Toutes les sociétés agissent ainsi. La lutte contre l'excision dans sa forme actuelle procède d'une double erreur coupable : ignorance de la nature cosmogonique de la pratique, et méprise en conséquence de la manière de procéder dans un tel cas de figure. Mais d'où viennent l'excision et la circoncision ?
Origine de l'excision et de la circoncision.
Une source négro-africaine soutient la légende suivante : « Dieu créa la terre et la jeta dans l'espace à l'instar des étoiles et du soleil. La terre créée à l'image d'une femme avait pour vagin la fourmilière et pour clitoris la termitière. Elle plut à Dieu. Seul dans l'univers, il fut pris d'envie de s'unir à sa créature. Il s'approcha. Mais un drame se produisit avec des conséquences incalculables : la termitière se dressa et s'opposa à l'union en tant qu'égal au sexe conquérant. Surpris mais décidé, Dieu rasa la termitière et s'unit à la terre excisée. Les conséquences néfastes dues à cette union défectueuse sont impossibles à exposer dans ce résumé. Il suffit de savoir qu'elles déroutèrent le plan divin initial et, au lieu des jumeaux prévus, naquit un être unique qui, assure la cosmogonie, est l'adversaire permanent de Dieu.
masques dogons
« Les génies de l'eau, première créatures supra-humaines, avaient des potentialités supérieures à celles de l'homme qui naquit plus tard. Et quand ce dernier fut enfin créé par Dieu, il était bisexué, c'est-à-dire mâle et femelle, simultanément. La préséance des génies de l'eau leur fit savoir les dangers d'une telle situation. Ils décidèrent d'exciser les femelles et de circoncire les mâles, afin d'éviter à l'humanité les déboires survenus à Dieu lui-même. Né à l'origine androgyne, l'être humain devait au début être immédiatement distingué mâle ou femelle. » A ces deux niveaux déjà, sans que l'homme lui-même ait eu à intervenir, l'intention était clairement indiquée, par des êtres supérieurs.
« Mais en prenant conscience du fait indubitable d'être un produit de la terre, et de devoir tout à celle-ci ici bas, il pris par conséquent conscience de sa dette envers cette terre en tant que mère et nourrice. Il intégra alors la loi absolue de l'équilibre, la nécessite de la compensation. Sans cette loi en effet il ne saurait y avoir de système. Et sans système aucune existence n'est possible. L'être humain a donc une dette envers la terre. Le sang est la source essentielle de la vie et le sexe est l'élément primordial de l'être puisque permettant de perpétuer la vie, à l'instar de Dieu. Il devint évident que la seule compensation digne de la terre est le sang du sexe de l'être. L'être humain entrepris de verser le sang du sexe à la terre sous forme d'excision et de circoncision. De plus, cette opération lui permit d'être définitivement versé dans un sexe. Enfin, circoncision et excision lui donnèrent un statut social et une qualification pour certains comportements sociaux indispensables : avoir une devise, assurer le culte, supporter des remèdes contre les maladies, utiliser des amulettes…Celui ou celle qui n'est pas définitivement ainsi distingué, est un être bancal, instable. Or la société humaine est une entité univoque et qui refuse par conséquent l'ambivalence, le quiproquo, l'instabilité. Circoncision et excision devinrent par cela même des éléments essentiels de l'existence humaine. Elles stabilisèrent l'être. »
circoncision en pays dogon
Cette cosmogonie, qui est une explication des origines, je ne l'ai pas inventée. Elle existe probablement depuis des millénaires. Elle montre l'importance de la pratique de l'excision qui va de paire avec la circoncision : une importance capitale. En effet, comment faire accepter à un peuple imbu de telles convictions, que cette pratique est banale, incompréhensible, égoïste ou stupide ? Et c'est pourtant l'attitude de ceux qui sont devenus les spécialistes de la fameuse lutte contre l'excision. Mais qui est plus criminel entre ceux qui mènent un tel combat dans l'ignorance totale et ceux qui pensent poser un acte de grande portée dans cette vie dont beaucoup d'aspects nous restent toujours cachés ?
Mais j'entends déjà la question : Qui connaît une telle cosmogonie aujourd'hui ? Pourquoi, lorsqu'on leur pose la question sur l'origine de l'excision les vieux ne donnent-ils pas ce genre d'explications ? On peut répondre dans deux directions différentes et complémentaires. Premièrement, parce qu'il convient de ne pas oublier que, secoué depuis tant de siècles par la barbarie esclavagiste puis colonialiste, l'Africain, faute d'avoir pu conserver ses canaux normaux de la diffusion du savoir à sa descendance, d'avoir pu transmettre correctement sa vision du monde à ses enfants, ceux-ci perdirent peu à peu cette connaissance spécifique et furent coupés de la source vivifiante. Cela a pu faire oublier des données essentielles. Mais une deuxième explication existe, plus essentielle. Celle qui veut que ceux qui savent, doivent se taire. A cela est venu se greffer ce que Cheikh Anta Diop a appelé « la stratégie de rupture de contact ». il l'a bien expliqué dans sa conférence publique de Niamey de 1984. Nous n'avons pas le temps de la décortiquer. Il suffit de dire ici qu'il s'agit d'une technique de communication telle que celui qui est en face croit comprendre, alors qu'il ne comprend rien. Monsieur Biyogo du Gabon parlerait de « mésécoute ». Illustrons la technique. Partout dans nos villages, il y a ce qu'on appelle les bosquets ou les forêts sacrées, où il est strictement interdit de couper du bois. Pourquoi ? Parce que c'est sacré précisément. Or c'est la manière la meilleure que nos ancêtres avaient trouvé pour protéger la nature. Cette protection qui est indispensable à la vie à cause de l'importance de l'arbre, ils la savaient discutable pour les « imbécile ». Alors ils ont inventé pour ce faire une explication indiscutable : ce sont les génies qui protègent ces bosquets qui sont les leurs. Les détruire c'est provoquer les génies eux-mêmes. Qui est fou ? Aussi les bosquets existent jusqu'aujourd'hui !
Tout le monde s'est trompé sur mon compte. Je n'ai jamais dit ni écrit que j'étais pour ou contre l'excision. Que l'on relise sans passion ce que j'ai écrit dans L'Evènement. Mais il est évident que je suis foncièrement contre « la lutte contre l'excision » dans sa forme actuelle. Elle est trop violente inutilement, trop aliénante essentiellement et trop bête concrètement. La meilleure manière de lutter contre l'excision à mon humble avis, serait celle où l'on respecterait d'abord le schéma d'analyse de la mentalité à la source de la pratique. Chercher à percer le véritable fond de celle-ci. En recourant ensuite à la manière dont nos sociétés élaguent leurs pratiques tombées en désuétude, on pourrait facilement faire abandonner l'usage. Mais bien évidemment cela demande du temps et aucune ONG ne financerait une telle démarche. Il faut choisir : soit respecter sa société, soit se faire des sous avec eux qui prônent la forme actuelle parce que sachant ce qu'ils recherchent. Les deux schémas seront difficilement conciliables ! Les anciens n'ont-ils pas assuré que : « Lorsque la maison allait se détruire, elle accouchait d'un manent » ?
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