Africa Renaissance

Africa Renaissance

L'Afrique et la question de la renaissance

L’AFRIQUE ET LA QUESTION DE LA RENAISSANCE

 

Pour les contemporains et les sciences modernes, le cas de l’Afrique noire est désespéré. Tous les voyants sont allumés. Et ils sont rouges. L’Afrique va s’écrouler. Elle va mourir si ce n’est déjà fait. Les guerres, les génocides, la dette, l’ignorance, les maladies, les épidémies sont les seuls épithètes désormais itératifs du continent noir.

 

Au-delà cependant de cette analyse qui s’appuie du reste sur les éléments les moins fondamentaux, il y’ en a qui estiment que l’Afrique s’apprête à prendre un nouvel envol. Les afro pessimistes, tenants de la thèse d’une Afrique condamnée à disparaître fondent leurs analyses sur l’économique et le social qui sont, il est vrai, les aspects les plus visibles et les plus spectaculaires. Mais ces éléments sont-ils les leviers essentiels d’une société humaine ? C’est la question. Les autres (parmi lesquels on trouve la Génération Cheikh Anta Diop) estiment quant à eux que loin d’être désespérée la situation actuelle de l’Afrique ne fait qu’annoncer l’aube d’un nouveau départ, d’une renaissance en un mot, du continent noir. Cette vision n’est-elle pas trop optimiste pour ne pas dire utopique ? Y’a-t-il aujourd’hui des éléments qui présagent d’un nouveau sursaut pour l’Afrique ? C’est la question à examiner.

 

La renaissance, un phénomène naturel

 

En dépit de certaines croyances qui semblent rejeter l’idée de renaissance (dans certaines conditions appelée réincarnation), la nature en offre cependant d’innombrables exemples. De la graine qui, enfouie en terre, pourrit apparemment avant de germer, jusqu’aux sociétés humaines qui renaissent de leurs cendres, il apparaît que la renaissance  est un phénomène, une loi naturelle courante.

 

Une religion comme le christianisme offre même en Jean 3.1-21, un cas de renaissance. Aujourd’hui, interprétée comme spirituelle, il n’en reste pas moins que l’idée est admise. En effet, l’évangéliste Jean rapporte qu’un jour, Nicodème, un juif pharisien alla voir Jésus et lui demanda de quelle manière on pouvait mériter le ciel. Jésus lui répondit : « Nul ne peut accéder au ciel, s’il ne naît de nouveau ! » Jean ajouta que cette phrase dérouta Nicodème qui était d’un  certain âge. Aujourd’hui, on peut être surpris de la surprise de Nicodème, mais passons.

 

Le temps engendre la vieillesse qui entraîne la mort. Naturellement ! Pour contourner cette difficulté et éviter d’être confronté à une création perpétuelle, Dieu (certains diront la nature) a prévu pour chaque espèce vivante la possibilité de renaissance ou de réincarnation. Ainsi, une plante arrivée à maturité produit des fruits qui contiennent chacun la même plante en puissance. Des conditions naturelles (mise en terre, arrosage, conditions géologiques etc.) sont prévues pour une renaissance éventuelle.

Il en est de même pour les animaux et pour les humains. Des croyances soutiennent aussi que le même être humain peut (ou doit) renaître à plusieurs reprises à des fins de purification. C’est le cas du Bouddhisme ou de certaines convictions africaines.

 

Cette condition semble se vérifier également au niveau des sociétés humaines. Ainsi, on parle de l’Europe de la renaissance, de la renaissance de l’Egypte pharaonique. Qu’en a-t-il été réellement ?

 

Du XVe au XVIe siècle de notre ère, il y a aujourd’hui cinq ou six siècles, l’Europe, après le Moyen-Age (Ve au XIVe siècle) entre dans une phase de renouveau. Après les siècles de guerres incessantes, de troubles sociaux profonds et de dérives dangereuses, l’Europe connaît une profonde mutation qui a conduit jusqu’aux temps modernes que nous vivons. Les grandes découvertes, l’expansion occidentale et le capitalisme sont les produits de cette renaissance. Mais 3000 ans avant la renaissance occidentale, un grand empire avait déjà indiqué cette même logique : il s’agit de l’Egypte des pharaons. En effet, après l’invasion des Hyksos, peuplades barbares « venues de la mer », qui avaient jeté un désordre profond dans le royaume, de grands monarques, comme les Aménophis, les Touthmôsis, Hatshepsout, les Ramsès et autres entreprirent de rebâtir la patrie. L’Egypte s’éleva ainsi au dessus de la terre entière. Pendant plus de cinq cents ans, les pharaons répandirent la civilisation jusqu’aux confins du globe terrestre et le peuple égyptien vécu heureux sous la direction éclairée de ses dignitaires et de son clergé. Avant de nous pencher sur le cas africain, voyons à travers l’examen de ces rennaissances antérieures les leviers de tout renouveau social, de toute renaissance.

 

Les conditions de la renaissance

 

Qu’est-ce qu’une renaissance sociale ? Quelles en sont les commandes obligatoires ? Voyons le cas de la renaissance occidentale. Le Petit Larousse nous apprend que la « Renaissance occidentale a été une Rénovation culturelle qui se produisit en Europe aux XVe et XVIe siècle dans les domaines littéraire, artistique et scientifique d’une part, et dans les domaines économique et social d’autre part avec les grandes découvertes et la naissance du capitalisme moderne ». C’est clair, la renaissance occidentale a été essentiellement une renouveau culturel, une sorte de «régénérescence» de valeurs civilisationnelles. Bien entendu, le peuple occidental essentiellement profane  a mis l’accent sur la littérature, les arts, les sciences. Ces éléments culturels sont-ils les seuls à même de produire une renaissance ? En nous penchant sur le cas de l’Egypte pharaons, nous voyons que la réponse est négative. En effet, après la décadence du pharaonat due à l’invasion Hyksos, l’Egypte se regroupa autour de ses prêtres et des temples. La Revue nomade numéros 1 et 2 précise même : « Comme nous l’apprend Cheikh Anta Diop, Chaque  fois que l’indépendance de l’Egypte était ébranlée, le peuple égyptien s’est toujours regroupé autour des Temples, autour des prêtres qui ont toujours été les artisans de la libération qui s’en est suivie ». Cela est clair la renaissance est d’essence primordialement  culturelle. Mais chaque peuple utilise les éléments significatifs, eu égard à sa vision du monde et à son génie singulier, pour renaître. Nous, aujourd’hui, en Afrique, quels pourraient être les éléments pertinents pour une renaissance ?

 

Le levier de la renaissance africaine

 

Question fondamentale : l’Afrique peut-elle renaître ? La réponse est positive dans la mesure où on remplit toutes les conditions indispensables à une éventuelle renaissance : une société délabrée et exsangue, une base culturelle profonde même si elle est pour des raisons compréhensibles, peu connue. D’ailleurs il y a eu des antécédents en Afrique même. Le Mali de Soundiata Kéïta par exemple a été dans un espace assez vaste de l’Afrique occidentale, un cas patent d’une renaissance. Il serait édifiant de relire les textes de cette rénovation, textes qui nous sont parvenus comme la fameuse «Charte du Manden nouveau». Quelques extraits : «Les chasseurs (parce que Soundiata et ses compagnons étaient des chasseurs) déclarent : toute vie humaine est une vie. Aucune vie n’est supérieure à une autre vie. Les chasseurs, déclarent : toute vie étant une vie, tout tort causé à une vie exige réparation. Les chasseurs déclarent : que chacun veille sur son prochain, vénère ses parents et éduque ses enfants. Les chasseurs déclarent : Que chacun veille sur le pays de ses pères » etc. Ici, seules les valeurs morales ont été prises en compte ! Mais pour la question qui nous concerne, quels pourraient être les leviers nécessaires à une renaissance africaine profonde parce que courageusement et correctement orientée ?

 

Au risque de choquer et pour suivre le conseil de Cheikh Anta Diop qui a suggéré de toujours regarder du côté de l’Egypte pharaonique, chaque fois que nous voudrions construire quoi que ce soit de solide, il nous semble que c’est du côté du sacré qu’il faudrait nous tourner. Pour un peuple profondément religieux comme le peuple noir, seule des mesures morales et spirituelles sont à même de le faire vibrer. N’oubliez pas que lorsque Ibn Battuta a visité le Mali, celui-ci était l’Etat le plus policé. Son témoignage est péremptoire ! «La sécurité est complète et générale dans tout le pays. Le souverain ne pardonne point à quiconque se rend coupable d’injustice. Les noirs ne confisquent jamais les biens des hommes blancs qui viennent à mourir dans leurs contrées, quand bien même il s’agirait de trésors immenses». Demandez-vous quelles motivations pouvaient rendre un peuple aussi grand, un souverain aussi juste. N’oubliez pas non plus que le père de l’histoire, Hérodote lui-même, bien avant Ibn Battuta, avait reconnu modestement que «Les noirs sont de tous les hommes, ceux dont les prières sont les plus agréables aux Dieux ». C’est tout dire ! De même que l’Egypte, il nous faut nous retourner vers nos bosquets sacrés et les gestes sacrés de nos sacrificateurs. Nous voyons d’ici l’horreur que certains «bon croyants» éprouveront déjà en lisant ces lignes. «Comment ! ?» Faut-il redevenir animistes pour que l’Afrique renaisse ? Quel sacrilège ! … » Nous sommes cependant sereins parce que nous savons qu’au fond de lui-même, chacun de nous est resté essentiellement vitaliste. En effet, tous autant que nous sommes, chrétiens, musulmans, ou autres, aux heures décisives de la vie, nous nous retournons, toujours vers la source ancestrale. C’est d’ailleurs cette réalité qui aurait fait dire un jour au président Félix Houphouet Boigny qu’il y avait «30% de chrétiens en Côte d’Ivoire, 40% de musulmans et 100% d’animistes ». C’est vrai que la citation manque de précisions parce que nous ne nous rappelons exactement que du pourcentage des animistes, mais c’est précisément la seule qui nous intéresse ! Citation à méditer. Pourquoi faut-il toujours se renier au point de refuser la simple évidence. Ils sont combien les noirs qui n’ont pas la notion du sacré au dessus de tout ? y a-t-il une honte à accepter ce qu’on est ? A-t-on oublié que de la façon dont l’homme façonne le milieu, celui-ci en retour nous façonne ? Tous autant que nous sommes, musulmans, chrétiens, démocrates, scientifiques, nous ne serons jamais de vrais, ceci ou cela tant que nous ne nous accepterons pas tels que nous sommes, et tant que nous continuerons éternellement à jouer les singes, les magnétophones occidentaux !

 

Mais si parmi ceux qui vont nous lire, il se trouve quelques - uns (c’est toujours le ferment d’un peuple) qui se posaient la question de savoir, ce qu’était la religion africaine comment elle pouvait nous aider à faire la renaissance du continent, nous estimerions que notre but aura été atteint. Dans toute société, la proportion des avortons n’est-elle pas constante ? L’Afrique peut renaître, le levier se trouve probablement  du côté spirituel. Pas n’importe quel spirituel, celui qui nous vient des profondeurs de l’Afrique traditionnelle !

 

Il semble qu’un jour Samir Amir aurait déclaré que l’Afrique ne pouvait jamais rattraper l’occident et qu’elle ne pouvait que le dépasser.  Et les imbéciles de gloser : «Comment peut-on dépasser quelqu’un qu’on n’a même pas rattrapé ? » Et pourtant, c’est fort simple. Pour dépasser quelqu’un sans le rattraper, il suffit de prendre un autre chemin !

 



15/12/2010
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