Africa Renaissance

Africa Renaissance

La démocratie est d'origine africaine

Démocratie occidentale et palabre africaine :

Une origine commune, des évolutions divergentes

 

 

S'il est un mot qui soit itératif dans la bouche des Africains aujourd'hui, c'est bien celui de « démocratie ». Tous les problèmes sont assaisonnés à la sauce démocratique : c'est la démocratie qui nous permettra le développement ; c'est elle qui nous résoudra nos problèmes politiques. C'est encore elle qui réglera nos différends sociaux.  C'est toujours la démocratie qui arrachera l'Afrique à la barbarie et aux pratiques moyenâgeuses ! La démocratie a-t-elle réellement toutes ces possibilités ? L'Afrique n'a-t-elle jamais connu cette réalité dans son passé ? Interrogeons l'Histoire !

 

De la démocratie et de son origine

 

Nous avons eu plusieurs fois, l'occasion de demander à d'éminents intellectuels Africains, férus par surcroît et défenseurs des « droits de l'homme » dont le terme récent est : « les droits humains »( parce que les femmes demandent leur part du gâteau), qui gagnent confortablement leur existence dans ce combat, de nous dire l'origine de ces droits puisque, paraît-il, ceux-ci sécrètent la démocratie comme le foie sécrète la bile. Très peu ont pu dépassé l'origine britannique.  Pour eux, l'habeas corpus, vecteur essentiel des droits de l'homme, y était né. Ce serait donc l'évolution logique de ce principe qui accoucha de la démocratie. A leur décharge, beaucoup de documents font foi à cette assertion. On situe en effet en Grande Bretagne la première date de l'apparition de cet habeas corpus : 1679 ! Mais on peut légitimement contester cette thèse en faisant ressortir deux éléments essentiels. Premièrement, si l'origine était britannique, pourquoi les anglais auraient-ils préféré une expression latine à une anglaise ? On nous rétorquera que le latin était la langue savante de l'époque et que, par conséquent, l'expression a dû revêtir ce cachet savant, d'où l'expression. Cela était-il suffisant ? Rappelons tout de même que nous sommes en fin XVIIè siècle et que l'œuvre de Shakespeare, l'un des plus grands dramaturges de toute l'histoire anglaise était déjà vieille, ce qui sous-entend que l'essor de la langue anglaise était amorcé depuis assez longtemps.

Mais il y a mieux. L'habeas corpus, loin d'être d'origine anglaise, est probablement né bien avant l'arrivée des Celtes ( premiers habitants de l'Angleterre) dans cette partie du monde, arrivée que l'on situe historiquement avec précision entre 43 et 83 après Jésus Christ.

Qu'est-ce que l'habeas corpus ? On dit que c'est : "une institution initiée pour  garantir la liberté individuelle et pour protéger l'individu contre les arrestations arbitraires." Mais cette disposition, en  Europe, date de Solon le père de la démocratie athénienne et qui a vécu en Grèce de 640 à 558 avant J.C., c'est-à-dire plus de 1600 ans avant Shakespeare !

L'histoire de Solon le « Législateur » comme on l'a surnommé, est fort intéressante et fort instructive pour l'humanité, précisément par rapport à la démocratie.

Solon, l'un des Sages de la Grèce antique

 

L'indo-européen, c'est-à-dire le blanc, est né en Europe il y a en gros une vingtaine de milliers d'années. Il est le résultat de la transformation du noir qu'il était à l'origine. Apparu dans les conditions européennes rudes de l'époque, il a développé une vision du monde tout à fait conforme à ces réalités climatiques difficiles. Ces dernières, ajoutées au nomadisme originel, ont façonné un peuple particulier, caractérisé par un individualisme exacerbé et un patriarcat implacable, frôlant la barbarie. La sédentarisation ultérieure, n'a pas effacé les stigmates principaux du moule originel de ce peuple. Ainsi, pour donner un exemple, jusqu'aux temps de Solon, VIIè siècle avant J.C.,l'individualisme était toujours tel, que la législation grecque avait interdit ce que nous appelons le « mur mitoyen. » Cela veut dire que deux maisons contiguës, appartenant à deux individus différents, ne pouvaient en aucun cas, être séparées par un seul mur ! Il fallait absolument que chacun eût son mur, avec entre les deux, un espace libre, une sorte de no-man's land ! C'était cela la loi, c'était cela la norme, c'était cela le droit ! On en reste pantois !

On le devine aisément, un tel peuple pouvait commettre beaucoup de crimes par vocation. Et il en a commis ! L'autorité paternelle était exorbitante : un père de famille pouvait « librement » tuer n'importe quel membre de sa famille ( femme, enfants, esclaves ), sans que la cité, c'est-à-dire l'Etat, ne puisse avoir le droit de lever le petit doigt pour protester ! Certains jetaient même leur « excédant de naissance » dans les ordures ménagères. Beaucoup de malheureux bébés ont été ainsi livrés aux vautours au vu et au su de tout le monde !

C'est en ces temps de barbarie généralisée, de ce qu'on pourrait aujourd'hui qualifier de  « violation flagrante des droits élémentaires de l'homme », que Solon le premier civilisateur grec, décida de faire le voyage d'Egypte. A cette époque, les Noirs de la vallée du Nil avaient tellement évolué sur ce plan des droits de l'homme que les rois égyptiens nommaient régulièrement, depuis au moins un millénaire, des « ministres » étrangers chargés de gérer les affaires des étrangers vivant sur leur sol..

Solon arriva au pays des pharaons pour y étudier les coutumes et les pratiques sociales égyptiennes. Le contraste entre Grecs et Egyptiens était tel, qu'il paraissait impossible de faire adapter un code pharaonique au peuple hellène. En compulsant plusieurs, il finit par retenir celui de Bocchoris (720-715 av. J.C.). Celui-ci, seul pharaon de la XXIVè dynastie, était en réalité un soldat égyptien d'origine asiatique qui, à la faveur de l'affaiblissement du royaume, s'était emparé pendant quelque temps, de la partie nord de l'Egypte. Il avait fait adopter dans ses fiefs un code particulier, situé entre l'orthodoxie pharaonique fortement sacerdotale et des propositions profanes  destinées à s'attirer les faveurs des nombreux étrangers qui vivaient dans le pays

C'est précisément ce code, dit de Bocchoris, qui servit de charpente essentielle aux réformes sociales de Solon, d'où émergea la « démocratie athénienne », qui à son tour, bien plus tard, accoucha de la démocratie occidentale. Il est assez amusant aujourd'hui de voir les grands airs que prennent les Occidentaux pour montrer les vertus de « leur » démocratie, ignorant le ridicule  qu'il y a, à essayer « d'effrayer la femme enceinte avec un pénis en caoutchouc » ! d'après une sagesse africaine. On voit par là aussi, combien cette démocratie doit à la société africaine. Bien qu'elle n'ait pu bénéficier que d'un résidu de système négro-africain,  elle provient bien d'un substrat noir et l'on est fondé à penser que si une société est aujourd'hui bien disposée à approfondir la démocratie, c'est bien la société négro-africaine !

 

 

 De la palabre africaine et de sa provenance

 

Les Nouna du Burkina ont pris l'habitude d'affirmer que : « Aucune chose ne peut se gâter quand la parole a été suffisante à son sujet » ! Cette sagesse résume bien, pourrait-on dire, toute la quintessence de ce qu'il est convenu d'appeler la « palabre africaine ». On a toujours tendance depuis la colonisation et surtout le néocolonialisme, à ravaler les concepts africains. Ainsi, « palabre africaine » désigne aujourd'hui des « bavardages interminables et inutiles », une sorte de perte de temps dû au fait que le Nègre ignore que « Time is money ». Et pourtant,  la tentation est grande de rétorquer  que c'est plutôt les Anglais ( et assimilés) qui sont ignorants du fait que « il y a quelque chose de beaucoup plus important que l'argent et perdre du temps pour lui, cela vaut vraiment la peine » ! 

Tout le monde est d'avis aujourd'hui que l'Afrique  est à la croisée des chemin. N'est-ce pas le moment pour nous de faire le point de nos acquis, de nos forces et faiblesses pour tenter une ré - disposition devenue indispensable ? Or sur le plan politique (là où nous avons accumulé des reculs significatifs), la fameuse palabre de chez nous,  pour peu qu'on veuille s'y pencher avec un peu de sérieux, pourrait se révéler porteuse d'espoirs inattendus. Définie comme : « Un système d'échanges et de concertations sur un sujet ou un problème, jusqu'à ce que tout le monde arrive à s'accorder », la palabre africaine est aussi vieille que les Etats africains eux-mêmes. Autant dire que c'est le plus vieux système politique du monde ! Cela n'est pas rien. Mieux encore, telle que définie, elle trouve son origine dans la mythologie, qui se trouve être par ailleurs la source de toutes les citadelles les plus dures à démolir, la mère de toutes nos croyances les plus obstinées.

Râ, le dieu soleil aussi appelé Amon-Râ

 

En Egypte pharaonique en effet, on trouve dans les tombes royales de Toutankhamon, Séti 1er, Ramsès II, Ramsès III et Ramsès IV, un texte identique dont la substance est la suivante : « Autrefois Râ (Dieu) avait régné simultanément sur les dieux et sur les hommes. A la longue,  il avait vieilli au point que ses os et ses membres trahissaient cette situation. Les hommes l'ayant remarqué complotèrent contre lui. Quel bénéfice pouvaient-ils tirer en cas de réussite( !?), la légende ne le dit pas. Toujours est-il que Râ se rendit compte de leurs intentions. Il fit alors convoquer une grande assemblée des dieux : Œil-de-Râ, Shou, Tefnout, Geb, et Nout. Il convoqua de même Noun en personne. S'étant présentés avec leurs suites, ils apprirent de Râ comment les hommes s'apprêtaient à commettre l'affreux complot. Et celui-ci, de leur demander la conduite à tenir. La décision fut collégiale qu'il fallait châtier les comploteurs. Œil-de-Râ sous les traits de la déesse Hathor, se mit aussitôt à la poursuite des comploteurs et frappa à mort nombre d'entre eux. La poursuite dura jusqu'à la nuit tombante. S'étant ravisé entre temps, Râ chercha à épargner les rescapés. Mais comment faire lorsque la décision avait été prise par l'assemblée des dieux, présidée par soi-même ? Il se résolut à user de subterfuge. Il fit fabriquer de la bière, y versa de l'ocre rouge et la  répandit partout dans les champs du désert où les fugitifs s'étaient cachés. Hathor s'étant levée de bonne heure pour terminer sa besogne, remarqua le breuvage singulier, s'y pencha, vit sa propre image et la trouva belle. Elle se mit à boire la bière ainsi maquillée et s'enivra. Elle arrêta dès lors, définitivement ce que certains n'ont pas manqué d'appeler : la destruction de l'humanité. »

La déesse Hathor

 

Cette mythologie renferme plusieurs aspects intéressants  comme : l'origine du vin, celle de la ruse, le vieillissement des dieux, la nécessité de la clémence et du pardon etc. mais nous nous attarderons aujourd'hui principalement sur son caractère « palabre ». C'est en effet inhabituel, sinon unique (à notre connaissance) qu'un dieu ait recours à la concertation, à une « palabre » en quelque sorte avec des divinités somme toute inférieures, pour prendre une décision de cette importance. Ce n'est pas Yahvé, le dieu d'Israël qui nous dira le contraire, lui qui, s'étant senti blessé par le comportement méchant des hommes, décida tout seul de faire pleuvoir pendant quarante jours et quarante nuits de suite, afin « d'effacer de la surface du sol l'homme qu'il avait créé, homme, bestiaux, petites bêtes et même les oiseaux du ciel ». Qu'avaient-ils fait de mal tous ces bestiaux, se demanderait certainement Râ, s'il devait apprécier le comportement de son « collègue » Yahvé ?

Nous pouvons logiquement déduire que la palabre dite africaine ne date pas d'aujourd'hui. Elle est d'inspiration divine à l'aube de l'humanité. Doit-elle dès lors être perçue comme une banale institution humaine, modifiable et rejetable à volonté ? L'organisation sociale et politique négro-africaine a toujours soutenu le contraire. C'est la raison importante pour laquelle les états africains l'ont toujours appliquée depuis les origines jusqu'à l'ère de la colonisation. Et des penseurs modernes croient dur comme fer qu'elle est toujours meilleure à la démocratie occidentale. C'est le cas de Ndjimbi-Tshiendé quand il affirme : « La palabre africaine est une forme juridique  institutionnelle de gouvernement unissant harmonieusement la démocratie directe, la démocratie représentative et l'oligarchie, les meilleurs systèmes politiques de l'histoire connus jusqu'aujourd'hui. Aussi pour être juste à l'égard de l'Afrique et scientifiquement objectif, il faut redéfinir ce mot pour qu'il retrouve sa vraie valeur… ou même le remplacer par un mot plus objectif comme celui de « recojustice » quand il s'agit de cette réalité africaine. »  Pierre Pradervand  soutient la même position. Dans son ouvrage « Une Afrique en marche », il affirme que la palabre africaine est meilleure à la démocratie, dans la mesure où elle évite la frustration causée par le vote où une minorité est toujours battue par une majorité qui impose sa volonté. Il est clair en effet qu'un consensus est toujours meilleur en ce sens qu'il évite le déchirement du tissu social.

 

En conclusion, on peut affirmer que la démocratie et la palabre africaine ont eu un berceau commun : l'Afrique et plus précisément la Vallée du Nil. Il est vrai aussi que du fait que ces deux concepts ont évolué dans des contexte sociaux différents, ils ont donné aujourd'hui des réalités divergentes. Bien que les Africains n'auraient aucune raison de rougir en adoptant la démocratie, puisqu'au fond ses sources sont africaines, il nous semble plus indiqué de chercher à repositionner la palabre africaine. On nous rétorquera peut-être que cela n'est plus possible, l'Afrique ayant évolué d'une certaine manière et le monde entier étant devenu un village planétaire. Pourquoi, diront-ils, l'Afrique se singulariserait-elle encore une fois ? Que c'est malheureux de penser qu'à cause d'une soi-disant globalisation ou mondialisation, les Africains, désormais se refusent à la réflexion, pour devenir des perroquets ou des singes d'un nouveau genre !

On dit que dans les années 1960, Yambo Ouologuem écrivit un livre retentissant dont le titre était : « Devoir de violence ». Cet ouvrage qui obtint le Prix Renaudot, fut en réalité suscité par les coloniaux blancs selon certaines sources. Rien n'a changé. C'est toujours la même technique : utiliser les Africains pour détruire l'Afrique ! Une certaine Africaine de l'Afrique centrale vient de « re-beloté » il y a de cela quelques années : « Et si l'Afrique refusait le développement » ! Mais concernant le fameux « Devoir de violence »,  Amadou Hampâté Ba consulté, aurait tout simplement déclaré : «  C'est vrai, l'Afrique est malmenée dans ce livre. Mais ce que Ouologuem n'a pas compris, c'est qu'il a insulté sa mère » ! Fallait-il en arriver là ? Mais l'attitude  de ceux qui ont une tendance morbide à jeter aux orties systématiquement le passé africain ou la culture africaine est-elle vraiment différente ?

  

 

 



29/07/2008
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