La mère des constitutions africaines
Constitutions africaines : il faut regarder du côté de leur mère à toutes.
« Lorsque la rivière oublie sa source, elle tarit ! » assure la sagesse africaine. L’Afrique qui est devenue depuis longtemps son propre ennemi, ignore ce simple proverbe de son propre cru. Et il se trouve des personnes surtout dites « intellectuelles », pour affirmer sereinement qu’elles sont à leur place !
La constitution pharaonique remonte probablement aux sources de la gestion étatique mais aussi à celles de la civilisation humaine. « Ainsi, l’ancienne Egypte marque l’ultime limite jusqu’où notre mémoire culturelle s’étend, la même limite que Karl Jaspers a identifiée comme l’origine de l’histoire. »[1] a écrit Jan Assmann. Le même Assmann ajoute que : « Parler de Maât, c’est faire un tour d’horizon de la civilisation égyptienne toute entière. » Et pourtant, l’Afrique noire, héritière et descendante directe de l’Egypte entend réussir des « constitutions » sans parler de Maât ! La constitution pharaonique, dans son essence est limpide en sa composition : « Rê a installé le roi, sur la terre des vivants à jamais et à toute éternité, de sorte qu’il juge les hommes et satisfasse les dieux, qu’il réalise Maât et Anéantisse Asfet, (qu’) il donne des sacrifices aux dieux, et des offrandes funéraires aux morts immortalisés. » Voilà le genre de constitutions qui arrêteraient incontestablement nos dirigeants actuels dans leurs turpitudes, pour les ramener sûrement dans des comportements policés et honnêtes. Nous ne doutons point qu’il s’agit en fait du nœud gordien du pouvoir africain. Si nous étions sûrs que lesdits gouvernants connaissaient l’existence d’une telle constitution, nous serions fondés à penser qu’ils en avaient peur, ce qui serait tout à fait justifié. Mais nous ne sommes même pas du tout sûrs que cela soit uniquement le cas !
L’esprit de la constitution pharaonique est qu’elle est essentiellement axée sur les missions du roi ! En cela elle est essentiellement différente dans son orientation que nos soi-disant constitutions actuelles où l’on prétend plutôt « contenir des sujets, aujourd’hui appelés populations » ! Pour cela, la vision et le rôle des textes sont antinomiques ! Et la question vient : « Dans une constitution africaine digne de ce nom, c’est le rôle du chef ou celui de la population qu’il faut orienter ? ». L’Occident prétend que c’est celui des citoyens qu’il faut discipliner. Il sous-entend que le chef n’est qu’un citoyen comme les autres, choisi à un moment donné pour exécuter la volonté populaire, et conduire les affaires de l’Etat. Dans l’Afrique endogène, c’est au contraire celui du chef qu’il fallait contenir. Cela se confirme aussi bien au niveau de la constitution pharaonique, de même qu’au niveau de la Charte des Chasseurs du Mandé et au niveau de l’Hymne du Wassoulou. Comme on le voit, les deux positions sont tout à fait irréductibles ! On peut donc soutenir (et certains l’ont fait), que la Charte de Kouroukan Fouga peut légitimement être contestée quant à son importance par rapport à celle des Chasseurs ci-dessus citée ! Ce débat se mène dans le pays des descendants actuels de Soundjata Kéita, aujourd’hui même !
Pour rester dans la logique de leur histoire, il apparaît donc clairement que l’Afrique dans sa globalité devrait revoir sa vision de ce qu’il est convenu d’appeler « constitution ». De la même manière, la Maât de leurs ancêtres devrait être repositionnée à sa vraie place dans ce processus.
Le grand professeur Ibrahima Baba Kaké « Paix sur lui ! » raconte que lorsque le livre de Yambo Ouologuem appelé « Devoir de violence » fut édité dans les années 1960, des Africains sont allés voir le père Amadou Hampâté Ba pour lui demander son avis sur ce livre qui vilipendait l’Afrique. Le sage de l’Afrique leur aurait rétorqué : « C’est vrai, l’Afrique est malmenée dans ce livre. Mais ce que Ouologuem n’a pas compris, c’est qu’il a insulté sa mère ! ». Toute l’Afrique est-elle aujourd’hui engagée dans la voie qu’a empruntée jadis Ouologuem ? Ne faut-il pas couper le fil maléfique ?
ASSMANN J. : Maât : l’Egypte pharaonique et l’idée de justice sociale. Julliard 1989
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