Le chef d'Etat dont nous avons besoin
Forces et faiblesses d’un bon chef d’Etat dans le Burkina d’après « révolution populaire ».
Pour des raisons évidentes, aucune structure sociale ne saurait exister sans des leaders. Une société est à l’image d’un organisme, ayant plusieurs organes jouant chacun son rôle pour la bonne marche de l’être. Sans entrer dans des détails, on peut remarquer que certains organes semblent plus importants que d’autres. Comme exemple, on peut comparer le cerveau à la vésicule biliaire. Si à première vue le premier semble plus important que la deuxième, il importe de savoir pourquoi. Si la réflexion et l’intelligence sont importantes pour la gouverne de l’être, il faut d’abord que celui-ci soit vivant. Or il peut arriver que la vésicule biliaire soit conséquence de la mort d’un homme. Le cerveau ne peut donc se moquer impunément de la petite vésicule biliaire ! Chaque organe est important en rapport avec le rôle qui est en cause.
Pour le cas d’une communauté humaine, d’un groupe social, d’un Etat, le premier responsable est on ne peut plus important, en ce sens qu’il est le garant de l’avancée harmonieuse, de la cohésion et du progrès de la communauté concernée. Il semble donc indispensable de revoir, après la deuxième révolution que connaît le Burkina en une trentaine d’années, le texte fondateur de l’Etat burkinabè dans la constitution de juin 1991. Et dans celle-ci, il est indispensable de toiletter le rôle de notre prochain chef de l’Etat burkinabè. Cela d’autant plus que la crise que nous venons heureusement de traverser, est une conséquence de la carence, de la malhonnêteté et de l’inanité du président chassé ! Pour ce faire, il importe de souligner les qualités inhérentes à notre prochain chef, de même que les défauts qu’il importe qu’il évite. A ce stade de notre réflexion, il nous semble qu’un bon chef d’Etat devra avoir au moins quatre qualités essentielles. Trois défauts doivent en revanche être farouchement combattus à son niveau.
Pour commencer par un bout, voyons d’abord les défauts que notre chef d’Etat doit absolument et résolument combattre à son propre niveau. Pour tous les autres, nous serons tous les jours à ses côtés pour l’aider à les surmonter.
1- Il importe de prime abord que le chef de l’Etat soit contre et combatte résolument la rapacité. « Rapacité : cupidité dévorante d'une personne prête à se procurer de l'argent par tous les moyens »[1]. Dans les Etats modernes que nous a apportés l’Occident, le chef d’Etat est comme un employé. Il fait un travail pour lequel il a été élu et doit être bien rémunéré ! Il a un salaire, une caisse noire, et des avantages matériels. Dans la mesure où il a les rênes de tout le pays dans les mains pendant ce temps, un chef rapace se rend rapidement compte que tout ce qui lui est dû, ne suffit pas à satisfaire tous ses désirs. Il commence à « piocher » par-ci par-là. Comme l’appétit vient en mangeant, et comme ses proches vont eux aussi vouloir leur part, rapidement plus rien n’arrive à étancher sa soif et à calmer sa faim chaque jour plus pantagruéliques ! Ce niveau gravi, tout est alors foutu. La loi dont il est le garant, au lieu d’être la boussole pour conduire l’Etat, devient un piège pour l’ogre naissant. C’est pourquoi, le chef rapace utilisera deux astuces aussi pendables l’une que l’autre : tordre le cou à la loi et la changer ! On voit pourquoi un homme comme Blaise Compaoré que Jacques Foccard avait décrit comme « un homme aimant le luxe », en est rapidement arrivé où nous avons tous vu : tous les biens du pays devaient être dans ses mains et dans celles de ses proches ! Et puis ces biens deviennent dans leurs totalités insuffisants ! Il faut aller chercher ailleurs pour compléter. Entre nous, il est d’ailleurs étonnant que dans l’Etat occidental, un chef ait besoin d’autant de biens matériels. L’Afrique avait traditionnellement résolu ce problème à telle enseigne qu’un chef n’avait point besoin de ce genre de « futilités ». Quand on voit le Hogon des Dogons ou même le Mogho Naba, on se rend compte que cette société a vécu et vit aux antipodes de notre société d’aujourd’hui. Mais là n’est pas la question. Retenons tout simplement que le chef de l’Etat doit éviter d’être un matérialiste primaire, un rapace indécrottable ! On ne doit point chercher le pouvoir pour résoudre ses problèmes matériels ! Malheureusement, derrière les « projets de sociétés » et autres programmes de gouvernement de la quasi-totalité de nos hommes politiques, se cache l’idée que le pouvoir est un moyen pour l’accumulation de bien matériels ! Nous devrons résolument nous opposer à un tel chef de l’Etat et au besoin, le renvoyer sans ménagement à ses casseroles !
2- Le deuxième défaut que doit combattre un bon chef d’Etat, c’est « l’ethnicisme ». Même si l’Encyclopédie Encarta ne connaît pas ce mot, chacun des Burkinabè sait ce que c’est. Nous entendrons par ce mot, le comportement de quelqu’un qui tend à favoriser sa famille, son ethnie, sa race, son groupe social d’origine, etc. Un tel chef d’Etat, s’il est Peul par exemple, tendra à avoir un bon regard pour les Peul au niveau de la distribution des biens de l’Etat. On aura alors des Peul dans les endroits les juteux du pays, dans les postes les plus importants de l’Etat, etc. Entendons-nous bien : nous ne voulons pas dire qu’un chef d’Etat d’origine peule doive combattre systématiquement les Peuls dans les sphères intéressantes du pays. Cela veut simplement dire que là où un Peul et un Bissa compétissent, leurs chances au départ soient égales. Si le Bissa est meilleur ou s’il gagne, le chef peul ne doit aucunement faire de courte échelle à son sakiike, son « frère » peul. Quand on devient chef d’Etat, on n’a plus d’ethnie hormis la nation dans sa totalité. Et la meilleure manière de le démontrer, c’est quand parfois les gens ont l’impression qu’on a plutôt tendance à rendre plus dure la vie des gens de son ethnie ! Pour un bon chef d’Etat, dans le cas où le Peul et le Bissa sont à égalité, il doit avoir tendance à prendre le Bissa. C’est dur, mais c’est souvent la meilleure manière de montrer patte blanche à ce niveau. Un proverbe nuna dit : « Quand l’herbe qui est dans la cour brûle, on ne se pose plus de question sur celle qui est sur la montagne. » ! La tendance d’un homme normal est de se rapprocher naturellement de ses proches. Mais un chef d’Etat n’est pas un homme normal ! Celui qui n’est pas capable de s’élever à un tel niveau, n’est pas digne d’être un Chef d’Etat !
3- Dans notre situation actuelle, un bon chef d’Etat ne saurait être un couard. Un couard est un poltron. Un poltron c’est un peureux. Et pourquoi un chef d’Etat ne saurait être un couard ? Eh ! bien, pour la simple et bonne raison que nos pays sont l’objet de beaucoup de pression. Cette dernière est la conséquence immédiate du dernier tournant de notre histoire. L’Afrique, en effet, est sous le joug de nos ex colonisateurs, de même que de ceux qui, étant devenus grands et ayant donc de très grands besoins matériels pour leurs populations, ont besoin de beaucoup de ressources surtout matériels. Ces besoins pour ces peuples sont impérieux. Et là où nous entrons dans la danse, c’est que le continent noir est celui que le bon Dieu a doté de la plupart de ces ressources. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous voyons sous nos yeux que les pays africains les plus riches sont aussi les plus instables : parce que s’ils deviennent stables, ils vont s’occuper de leurs ressources naturelles. L’instabilité devient une arme infaillible pour leur piller leurs biens en toute impunité ! Dans de tels Etats, si vous avez un chef peureux, il mettra votre pays en pâture à la moindre menace. Et les menaces, ce n’est pas ce qui va manquer ! Même dans des pays réputés « pauvres » comme le Burkina Faso, il y a toujours quelque chose pour lequel les pays dits riches ou forts ou puissants, vont menacer en premier lieu nos responsables. Et le plus exposés de ceux-ci est le chef de l’Etat. Dans une telle situation, un chef d’Etat couard est une bombe que l’on se fabrique soi-même ! A la moindre menace, il cède et les vautours du monde entier s’abattent et pillent. Il en est de même d’ailleurs si ce chef est un rapace, puisque dans l’opération, il aura aussi sa petite part, mais au détriment du pays ! On peut donc conclure qu’un homme qui n’est prêt à mourir pour défendre l’intérêt de son pays, n’est pas digne d’être chef d’Etat. Nous avons besoin à l’heure actuelle de phénomènes comme Soundiata Keita, Boukari Koutou, Thomas Sankara, Patrice Lumumba, Nelson Mandela, Robert Mugabe. Tous les autres, prière s’abstenir !
Cependant, éviter les défauts ci-dessus énumérés, cela n’est guère suffisant pour être un bon chef d’Etat. Il faudra à ce dernier également des qualités sans lesquelles, son action restera de peu d’efficacité.
1- L’impartialité semble être en tête des qualités nécessaires à un bon chef d’Etat. On pourrait penser qu’être impartial et ne pas être ethniciste c’est une seule et même chose. Cependant, il faut savoir que l’impartialité est beaucoup plus large que l’ethnicisme. Celui-ci concerne un groupe particulier par rapport au reste de la nation, tandis que la première concerne l’ensemble de la nation par rapport à l’ensemble du peuple. Un bon chef d’Etat est un père de famille s’efforçant d’être juste et équitable envers tous ses enfants. Il peut arriver que certains enfants, par leurs attitudes, leurs comportements, leurs dispositions particulières, rencontrent plus souvent l’assentiment du père dans leurs agissements. Cela ne devra pas pouvoir emmener un bon père à léser un de ses enfants moins obéissant, dans la prise de décision.
2- L’africanité est une autre qualité dont un bon père de la nation se devra de disposer à gogo. L’un des plus gros problèmes que rencontre le continent noir depuis les indépendances africaines, c’est que nous avons pris la succession du Blanc sans bénéfice d’inventaire. On avait cru qu’il suffisait que celui-ci parte, que nos Etats soient dirigés par nos propres enfants, pour que les choses aillent naturellement mieux. Quelle erreur avons-nous commise ! Le problème n’était pas le Blanc, mais son système. En fait, c’est la vision du monde et de l’Etat de l’Occident, ses lois et règlements qu’il convenait de remplacer par ceux de l’Afrique. Qu’on arrête de voir à la tête de nos Etats, ces espèces d’imbéciles qui pensent qu’il ne peut y avoir du bon que ce qui vient des Blancs ! Ces émasculés, sont incapables d’inventer sinon de copier. Ces sont de gros singes du Gabon qu’on appelle des bonobos, aux pets sonores et malodorants ! L’Afrique c’est l’Afrique et elle a des qualités et un sens de l’histoire. Nous avons besoin de chefs d’Etat connaissant l’Afrique profonde dans son histoire, sa culture et sa gestion étatique. A défaut de posséder tous ces atouts, un bon chef d’Etat africain se doit d’aimer au moins l’Afrique, et de chercher obstinément à la prendre comme endroit d’où doit venir toute décision importante. S’il est en effet nécessaire d’emprunter les bonnes choses venant d’ailleurs, nous n’avons plus besoin de ceux qui pensent qu’il faut que l’essentiel vienne d’ailleurs et que la portion congrue vienne de l’Afrique. Cela est une grossièreté, un non-sens, une bêtise !
3- L’inventivité est également une disposition d’esprit indispensable à un chef d’Etat opérant et efficient. Nous sommes aujourd’hui dans de faux Etats qui sont en réalité des sortes d’appendices de l’Occident, des vases communicants occidentaux, de véritables caisses de résonance. Sous une perfusion permanente, leur vie dépend de la bonne volonté de ceux qui ont les sérums et les mécanismes de fonctionnement de ceux-ci. Dans de telles conditions, il importe que le premier responsable soit inventif et créatif. C’est bien ce qu’un Thomas Sankara appelait le « génie créateur ». Sans une telle disposition d’esprit, on rampe perpétuellement alors que nos pères plainaient dans les airs à l’instar de majestueux faucons ! Nos Etats sont à l’image de commerçants dans un marché. Il est erroné de croire qu’être un simple consommateur puisse jamais faire accumuler des plus-values. Aucun marchand ne peut s’en sortir sans plus-value. Même si le chef d’Etat ne peut pas tout inventer, il se doit d’être de cette nature créatrice, sinon il ne saurait percevoir ni l’importance de cette réalité, ni ceux qui sont dotés de créativité. D’une certaine manière, le bon chef devrait être une sorte de sorcier sortant de son bonnet toujours quelque chose d’étonnant, d’inattendu, d’extraordinaire.
4- Aucun homme politique africain ne saurait être utile au continent noir, s’il n’est panafricaniste. Le défi majeur de l’Afrique est de figurer sinon de prendre la tête du monde de demain. Penser cela n’est nullement prétentieux, c’est tout simplement le résultat d’une analyse froide de notre monde d’aujourd’hui. Deux éléments l’indiquent de manière irréfragable : les problèmes actuels des Etats africains modernes et le comportement des grands Etats du monde. Les difficultés que l’Afrique rencontre avec les djihadistes, les Boko-haram et autres séparatistes ne trouveront solution qu’avec un grand Etat fédéral africain. Que pourraient en effet tous ces petits écervelés dans une Afrique grande du Cap (Afrique du Sud) au Caire (Egypte) ? Absolument rien ! Du reste, pourquoi ne voit-on pas en Afrique la marche du monde civilisé qui recherche l’union par tous les moyens ? Comment des pays occidentaux guerriers devant l’Eternel arrivent-ils, même difficilement, à s’unir ? Pendant qu’ils encouragent la division chez nous, ils s’efforcent de s’unir, et nos politiciens aux petits pieds ne voient que du feu. Le seul président digne du Burkina après révolution, c’est celui qui s’engagera résolument dans l’unification de l’Afrique. Evidemment, les petites gens pensent que cela est impossible. Mais les seuls leaders dignes de nous, c’est ceux qui dépasseront Don Quichotte ! Rêver grand, réaliser grandissime, voilà le plan. A quoi cela sert-il de rêver d’un oasis pendant qu’existe un paradis ? Pourquoi croyez-vous que les seuls hommes politiques africains qui aient laissé un nom dans l’histoire soient les Lumumba, Nkrumah ou Sankara ?!!!
Tout notre développement se fait dans le cadre de l’Etat démocratique. Il ne faut nullement croire qu’il n’y a que ce type de dispositif pour diriger correctement un Etat, comme on tend à nous le faire avaler. Il y a bien de meilleurs systèmes de gestion de l’Etat. L’Afrique nous en donne d’excellents exemples. La gestion démocratique est cependant une transition nécessaire. Pendant qu’on y est, autant jouer correctement le jeu et être de bons démocrates.
Il ne faut pas se faire d’illusion. Tous les défauts relevés, doivent être farouchement combattus. On remarque d’ailleurs qu’un même personnage peut en avoir plus d’un. Or aucun ne doit être toléré dans la conduite des affaires de l’Etat. Quant aux qualités, elles font également défaut à beaucoup de nos dirigeants. Du reste, nous restons juste au niveau de la situation actuelle de nos Etats modernes. Au niveau de l’Etat traditionnel, les exigences étaient beaucoup plus lourdes. Ce n’est donc pas la mer à boire ce que nous demandons à nos dirigeants, mais le strict minimum sans lequel, aucun chef d’Etat ne pourrait être tout simplement « acceptable » !
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