Le franc CFA : un témoin de la félonie !
Il est évident que la réalité de la monnaie en Afrique noire francophone est un puissant révélateur des relations mafieuses qui existent entre la France et ses anciennes colonies d'Afrique noire et de la nature détestable des dirigeants africains. Ces derniers ont fini par convaincre que la seule monnaie à même de gérer les Etats négro-africains dits francophones c'est uniquement le franc ! Ils veulent, avec les « conseils avisés » de leur maître, réussir le tour de force, malgré les évidences les plus criardes, de faire admettre aux Africains que si leurs pays quittaient la zone franc, c'est la mort assurée pour tous à court terme. Et pourtant toute l'évidence des faits démontre le contraire. On voit bien que la France elle-même, bénéficiaire exclusive et stimulatrice attitrée de cette supercherie, a bien abandonné le franc, son franc, pour embrasser l'euro, mais on continue à nous faire croire que pour nous, aucun abandon du franc n'est envisageable ! Le franc CFA a été créé par la France, pendant la colonisation, pour exploiter ses colonies et les bénéfices retombaient exclusivement dans la Banque de France au seul profit de celle-ci ! Le franc CFA, dont les Accords de Coopération (qui restent secrets jusqu'aujourd'hui) protègent la pérennité, continue à être déposé par nos pays « indépendants » dans la Banque de France, à hauteur de 50 à 65% de nos avoirs à l'heure où ces lignes sont tracées, au titre des comptes d'opérations ! Voilà précisément ce que le professeur Cheikh Anta Diop appelait l'attitude de l'esclave du 19è siècle qui, libéré, retourne chez son maître parce qu'il ne sait plus où aller ! Ils se trouve en effet que nous sommes les seuls dans une telle situation : les Asiatiques colonisés par la même France, une fois l'indépendance acquise, ont abandonné le franc. Ils ne sont pas morts pour autant, loin s'en faut ! Les Magrébins colonisés comme nous, devenus indépendants, ont créé leur propre monnaie et ils valent mieux que nous. Ou bien ? Les pays africains dits anglophones comme le Ghana et le Nigeria ont leur monnaie et valent mieux que nous, mais nous restons sourds comme des pots. Comme dirait l'autre « Seuls les imbéciles ne changent pas » !
A l'indépendance, une explication acceptable pour rester accrochés au franc français, était le fait de la balkanisation de nos Etats au sortir de la colonisation. On comprenait facilement qu'un tout petit Etat avec une population minuscule ne pouvait envisager une monnaie spécifique crédible. Mais là encore c'était la faute des dirigeants de l'époque qui avaient refusé de s'unir malgré les admonitions d'un Kwame Nkrumah. Aujourd'hui, nous voyons bien que cette explication rationnelle même ne tient pas, puisque malgré la construction de grands espaces économiques comme la CEDEAO, on continue à nous expliquer qu'on ne peut aucunement frapper monnaie. Pourquoi cette fois ? Les explications vont des plus vaseuses à l'inanité et à la bêtise !
Au bout du raisonnement, on arrive à la conclusion effarante que les bourreaux des peuples africains, c'est leurs dirigeants ! Aucune autre explication ne permettra jamais d'accepter dans les conditions que nous vivons, une monnaie dont l'objetif est l'enrichissement de nos bourreaux d'hier que sont les pays colonisateurs parmi lesquels la France traîne le fardeau le plus abominable ! On nous fait comprendre que nos dirigeants sont liés parce que, si jamais ils remettaient en cause le diktat de la France, ils perdraient leur pouvoir ou leur vie, comme Lumumba, comme Thomas Sankara ! La réalité est que même morts ces dirigeants que nous venons de mentionner valent mieux que la quasi-totalité de leurs homologues vivants. A quoi sert la vie d'un dirigeant qui, pour protéger son pouvoir, vend la vie de ses concitoyens ? S'ils ont autant peur de prendre le risque de perdre leur pouvoir et leur vie pour leurs compatriotes, eh ! bien, qu'ils aillent les gagner ailleurs. Nul n'est obligé d'être roi !
Le temps vient, il n'est peut-être plus très loin, où l'Afrique prendra à nouveau feu. Le feu nourri qu'engageront les peuples africains contre leurs dirigeants. Il ne fallait pas parier sur le défaitisme perpétuel des peuples africains ! Les Nouna l'ont bien dit : « Si quelqu'un revient de la brousse avec un fouet, alors fouette-le correctement avec celui-ci ». Les fouets ne sont-ils pas faits pour fouetter ? Tu voulais qu'on fouette qui avec le tien ?
Nicolas AGBOHOU : Le franc CFA et l'euro contre l'Afrique. Edition Solidarité mondiale S.A. 1999