Le problème des langues africaines
L'Afrique peut-elle faire l'économie des langues africaines dans la construction de l'Etat moderne ?
L'une des questions les plus controversées dans l'Afrique noire d'aujourd'hui, c'est peut-être celle de savoir si l'on peut ou non se passer des langues nationales africaines dans la construction des Etats modernes.
Même si pour l'instant ceux qui minimisent nos langues semblent plus nombreux, il est évident que leur position ne saurait être considérée ni comme rationnelle ni comme productrice. Elle n'est pas rationnelle, parce que c'est visible qu'aucun peuple, parmi ceux qui ont compté dans l'histoire, n'a adopté une attitude de rejet de sa langue. Si cela était une bonne chose, on aurait eu dans l'histoire, au moins quelques cas du genre. Or apparemment c'est le désert complet à ce niveau. Il n'est donc pas rationnel que nous espérions inventer une loi entièrement nouvelle, dans la direction du comportement social des gens qui recherchent un chemin d'épanouissement. Cette façon de voir n'est point productrice non plus, parce que depuis que nous avons cette attitude d'adoption des langues étrangères, aucune invention ne semble possible à notre niveau. Nous sommes donc réduits à la profession de copistes et de consommateurs des produits y compris intellectuels d'autrui. Et cela s'explique simplement, entre autres, par la loi des nombres dans la montée vers l'invention. Plus un groupe est grand, plus les possibilités et même la probabilité de produire des génies de tous genres, deviennent importantes. Avec les langues héritées des colonisateurs, nous n'avons pratiquement aucune chance de donner une éducation à la fois quantitative et qualitative aux générations qui montent. Aucune ! Tant que nous adopterons cette attitude, il nous faudrait toujours choisir entre une éducation élitiste qui impliquerait nécessairement des gros moyens pour une quantité insignifiante de personnes, et une autre destinée à produire un grand nombre d'alphabétisés, de niveau très moyen et pratiquement inutilisables dans les faits.
Ce qui conforte notre position, c'est l'histoire elle-même. Elle démontre que nous ne sommes pas les premiers à vivre cette situation. Même les Français qui sont nos références dans presque tous les domaines, sont passés par le même chemin. Il fut un temps en effet, où
Quand est-ce que les Africains qui nous dirigent, vont-ils comprendre que pour se développer, on ne peut pas se contenter de consommer ce que les autres produisent. C'est tellement simple à comprendre. Toute l'histoire de l'humanité indique que tous ceux qui ont progressé, ce sont ceux qui ont produit des créateurs et des inventeurs.
KI-ZERBO Joseph : Eduquer ou périr : impasse et perspectives africaines. Paris, Unicef-UNESCO, 1990.
Bétéo D. NEBIE
(neb_beteo@yahoo.fr)
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