Africa Renaissance

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Les leçons de l'élection de Obama

L’Afrique est-elle mûre pour la démocratie ?  Quelques leçons émanant de l’élection de Barack OBAMA

A la conviction  des uns et des autres, l’élection historique de Barack Obama à la présidence du pays le plus puissant du monde, devrait ouvrir une réflexion multiforme et multidimensionnelle au niveau de l’intelligentsia noire. C’est vrai que les Africains aiment si peu lire, que quelqu’un a pu écrire que « La meilleure manière de cacher quelque chose à un Africain, c’est de l’écrire dans un livre  » ! Puisque les Africains sont si paresseux qu’ils trouvent trop difficile de lire ! Cette assertion, malgré l’exagération qu’elle contient, nous permet de comprendre comment les autres nous perçoivent. Trêve de dispersion, revenons à l’essence de notre réflexion, en étant sûr qu’elle sera tout de même lue, sinon à quoi cela servira-t-il d’écrire ? Ne serait-il pas, par ailleurs, la meilleure manière de faire un pied de nez à tous nos détracteurs ?

Une vérité doit être lourdement assénée. L’élection de Obama est historique, pas parce que celui-ci est un Noir. Obama n’est pas un Noir. C’est un Métis. C’est cela la réalité. Son père est un Noir cela ne souffre d’aucun doute. Et cela personne ne le conteste. Même si on soutient à tort que l’Afrique noire est patriarcale, cela ne fait pas de lui un Noir malgré tout, puisque sa mère est une Blanche. Le produit d’un Noir et d’une Blanche ne saurait être Noir. Les lois génétiques de Mendel pouvaient faire qu’il en fut ainsi, mais les conditions pour ce faire n’ont apparemment pas été remplies.  Il est donc bien un Métis. Ce n’est pas parce que tous les Américains ou les Européens disent qu’il est noir, que cela change quoi que ce soit à ce niveau ! Et même que cela indique à l’analyse, la véritable nature des perceptions de cette catégorie de personnes : des racistes sans parfois s’en rendre compte. Dire qu’un Métis est un Noir est une manière de soutenir qu’avec 50% de sang noir, on est Noir. Cela est une forme de rejet de l’autre à telle enseigne, que seulement la moitié de lui, m’emmène à  lui laisser aussi l’autre moitié, qui est de moi ! C’est du mépris de l’autre, du racisme tout court. Qu’on s’en rende compte ou pas. Un mulet n’est ni un cheval ni un âne. C’est un mulet. Si le Noir avait une image plus valorisée, il est certain que ce serait plutôt le contraire qui se produirait. Le comportement d’une grande majorité de Métis de même que des Noirs qui sont simplement plus clairs que la moyenne, par rapport au reste des Noirs, le démontre. Il en est de même de toutes ces femmes et de tous ces hommes (oui ! il y en a) noirs, qui risquent leur santé, sinon leur vie, pour ressembler à travers produits décapants, aux Blanches ou aux Blancs ! Pendant que ces lignes se traçaient, un ami nous a appris qu’aux USA, un Métis peut choisir d’être un Blanc ou un Noir, et qu’Obama a précisément choisit la deuxième alternative.  Si c’est vrai, cela est bien à son honneur, et montre sa clairvoyance, son acception de soi. Mais ce fait n’a rien à voir avec la discussion que nous menons. A supposer qu’il ait plutôt choisi d’être un Blanc, l’aurait-on pour cela considérer comme tel ? On peut en douter, précisément à cause du développement ci-dessus.

Tout ce qui vient d’être dit enlève-t-il la valeur de l’acte que les Américains viennent de poser, à savoir élire un Métis à la Maison Blanche, surtout s’ils le voient Noir ? Absolument pas, bien au contraire. Il est sûr que c’est la première fois que les Américains votent pour occuper la grande Maison Blanche, un homme qui n’est pas entièrement de souche blanche. Et un homme qui plus est, a du sang noir à 50% à cet endroit, est encore plus historique et plus extraordinaire. Cela n’a certainement pas le même impact psychologique que si c’était un Métis d’une Blanche et d’un Asiatique (Chinois, Japonais…). Et pourquoi ? Cela s’explique simplement par la manière particulière dont les Noirs sont arrivés aux Amériques. Leurs ancêtres sont pour la plupart, arrivés comme esclaves. Et Dieu sait la conception de l’esclave dans la mentalité occidentale. Le Code noir, du grand roi Louis XIV ne les considérait-il pas simplement comme « des biens meubles » ?!  Mais il y a mieux encore pour montrer comment le Noir était abhorré en Europe. Les racistes européens - qui se s’étaient probablement proclamés les neveux directs de Dieu -  avaient en effet réussi le tour de force de convaincre que Cham (ancêtre mythique supposé des Noirs) avait été maudit après le Déluge par Dieu à travers la bouche de Noé. Une histoire de fous où un des fils de Cham – Canaan – est maudit à la place de son père Cham. Pourquoi faut-il que le fils paye les conséquences de l’acte d’un père ? On ne voit donc pas où se trouve la malédiction de Cham. On aurait pu penser qu’en tant que fils, Canaan porte la suite génétique de son père. Manque de pot cela ne saurait tenir, puisqu’en plus de Canaan, Cham avait trois autres fils ! Pourquoi cet arbitraire de la part du patriarche Noé ? Toujours est-il qu’à travers ce mythe incongru, des Occidentaux en sont arrivés à décréter une malédiction de Cham lui-même, par ailleurs déclaré ancêtre des Noirs !!!   En bref donc, combattre les Noirs, leur faire l’injustice, les tuer, tout cela n’était que justice, puisque Dieu lui-même le voulait ainsi ! Si ce comportement a parfois été masqué, l’Afrique du Sud des tenants de l’Apartheid, l’ont appliqué ouvertement, et l’ont établi comme critère d’injustice et de racisme anti-Nègre. Cette contre-vérité, de fait inventée pour satisfaire des instincts bassement matérialistes, avait été proclamée parole d’Evangile, dans l’Europe esclavagiste ! On voit à travers cette croyance stupide, qu’un homme de race noire, même seulement à moitié, ne pouvait donc s’imaginer devenir le président des Etats-Unis d’Amérique. Cela ne pouvait aucunement effleurer l’esprit d’un peuple aussi croyant ( !?) que le peuple  américain, d’il y a seulement soixante ans ! Le discours fameux – I have a dream - de Martin Luther King de 1963 le démontre amplement. Voilà la première et peut-être la plus importante preuve que quelque chose d’extraordinaire vient de se passer du côté de chez l’Oncle Sam.

Mais ce retournement considérable de situation mérite-t-il l’engouement et les espoirs irraisonnés qu’on rencontre partout sur le continent noir pour l’élection de Barack Obama ? On peut donner ici une réponse de Normand : oui et non ! Oui ! parce que d’abord par son statut actuel dans le monde, les USA ne sont pas n’importe qui. Ce qui se passe là-bas n’est donc jamais sans conséquence pour le reste du monde. Il est presque sûr que l’élection de Obama aura une influence sur l’Occident de manière général et peut-être même sur des pays racistes à nuls autres pareils comme la France du grand Nicolas Sarkozy, pays de l’immigration choisie et du co-développement ! Il coule de source que lorsque Sarkozy et  Obama se rencontreront - et ils le feront sauf catastrophe -, cela ne le sera jamais à la manière d’un Sarkozy-Compaoré ou même d’un Sarkozy-Dos Santos ! Pour une fois, ce sera le suffisant président français qui jouera au Petit Poucet. Il faudrait prier les ancêtres de nous permettre de voir une telle scène ! Tous les Noirs qui verront cet évènement qui interviendra en principe d’ici peu, pourront se féliciter d’avoir été témoins d’un évènement aussi important que celui d’un Jesse Owens gagnant quatre coupes du monde d’athlétisme en 1936 à Berlin  devant un Hitler médusé ! Comment ! venir démontrer devant le  grand Fürheur du colossal Troisième Reich, au sommet de sa gloire, qu’un Nègre pouvait valoir quoi que ce fut ! Un Nègre battant de loin tout le monde, même et surtout l’imbattable race aryenne ! Et ce qu’on ignore encore c’est qu’à une de ces finales mémorables, sur les six coureurs, il y avait deux Noirs et quatre Blancs.  Les Noirs prirent les deux premières places… ! On comprend le courroux d’Hitler, qui refusa de remettre la coupe à Owens, pour éviter de lui serrer sa main de sale Nègre ! Quant à Sarkozy, non seulement il ne pourra pas refuser de serrer la main de Obama, mais surtout il le fera avec un plaisir bossu, avec comme dirait le maréchal Bokassa, un large sourire tout autour de la tête !

Cependant, il importe de signaler l’inconséquence des Africains dans leur attente d’un Obama à la Maison Blanche. Ils oublient d’abord de voir que celui-ci n’est pas un président africain, mais américain. Ce sont les Américains qui ont élu leur président pour « diriger et défendre l’Amérique contre ses ennemis intérieurs et extérieurs » ! Un point deux barres ! Et s’il manquait à cet engagement, il le payerait  certainement, d’une manière ou d’une autre ! Penser que Obama va résoudre ou même amoindrir les problèmes de l’Afrique est donc une ineptie. Si dans la défense des intérêts des USA, il peut arranger tel ou tel autre pays, pourquoi pas. Mais là où les Africains ont pris carrément la brousse, c’est à deux niveaux. S’il faut aider un pays africain pour une raison ou une autre, c’est le Kenya que Obama devrait aider, parce que c’est le pays de son père. Il est Américain certes, mais si les lois américaines le permettent, il est aussi Kenyan. Qu’il y aurait-il donc d’étonnant qu’il aide son deuxième pays, qui devrait d’ailleurs être le premier dans d’autres circonstances. En revanche, quand nous voyons des Sénégalais, des Burkinabè, ou des Congolais danser de joie parce que Obama est élu président des Etats-Unis d’Amérique, espérant une solution à leur problème, cela nous fait rigoler. Les Africains qui ne peuvent s’entendre sur aucune chose, voudrait que les autres les perçoivent autrement qu’ils ne se comportent eux-mêmes. Si les Africains faisaient tout pour s’entendre, former l’unité de l’Afrique, on aurait pu comprendre l’idée qu’ils cherchent à ce que le président américain les aide en tant que groupe homogène. Mais des gens qui, comme dirait Houphouët : « Ne s’accordent que sur leur désaccord », ne peuvent avoir des espoirs tels que ceux sur lesquels s’agrippent tant d’Africains concernant Obama. On dit chez nous qu’ « Il faut balayer sa maison pour donner tort au scorpion » ! En effet, quand votre maison est sale et que le scorpion vous pique, on doit se dire qu’on a soi-même favorisé un tel état de chose, puisque le scorpion aime précisément les saletés dans lesquelles il vit. Mais quand votre maison est propre, on peut dire que le scorpion a tout de même exagéré en venant vous piquer malgré cela ! Il faut donc arrêter ces espoirs inconsidérés et ne pas accabler le pauvre Obama outre mesure. Il aura en effet tellement de défis à relever en Amérique même, avec tous les risques qu’il va devoir prendre au risque de sa vie, qu’il faut lui laisser la paix pour s’attaquer aux problèmes de son pays. N’oubliez jamais que beaucoup de gens, parmi lesquels nous sommes, pensent que Obama a beaucoup de risques de se faire assassiner comme Kennedy. Il entend changer les choses dans une Amérique ou les relents racistes sont encore très vivaces. Il voudrait faire comprendre que tous les Américains et au-delà, tous les hommes, comme le stipule la quasi-totalité des constitutions démocratiques, « naissent libres et égaux », dans un environnement où le Ku Klux Klan  s’entraîne dans de vastes espaces à la mitraillette et aux canons…

Mais le clou de l’inconséquence des Africains, nous semble être cette perception tronquée des réalités. Obama a été élu comme dans toute démocratie moderne qui se respecte, aussi parce qu’il a mis d’énormes moyens financiers dans sa campagne. Eu égard à ceux-ci, il méritait de battre largement McCain, comme il l’a du reste fait. Mais les Nègres ne semblent pas avoir vu que ces moyens financiers colossaux lui ont été octroyés par les électeurs eux-mêmes. Il a ainsi récolté tant d’argent qu’il a refusé celui que l’Etat américain mettait légalement à sa disposition !  Cela n’était que broutille face ce qu’il avait et ce qu’il attendait. Et l’histoire lui donna raison. Mais les Africains, tous autant qu’ils sont, attendent des candidats qu’ils leur donnent l’argent, lors des campagnes électorales et plus encore quand ils sont élus ! Beaucoup édifient leurs projets pendant ces campagnes et souvent les réussissent avec l’argent des candidats. Cela nous emmène à nous demander si les Africains sont vraiment mûrs pour la démocratie ? Ou plus exactement si cette dernière convient à leur mental et à leur société ? Que nos paysans ne puissent pas comprendre une telle évidence passe encore. Mais que nos « intellectuels » restent silencieux, ou même se mettent à hurler avec les loups devant ces genres de situations, nous incline à nous poser des questions soupçonneuses sur leurs capacités d’analyse, de compréhension de ce qui se passe dans le monde. Et même dit-on que plusieurs des présidents africains auraient suivi passionnément l’évolution de l’élection de Obama, puis ont sauté le champagne quand il a été élu ! Alors qu’eux-mêmes sont le contraire de celui qu’ils fêtaient ! Si le ridicule pouvait tuer !

Si nous voulons considérer la véritable démocratie, il convient de le faire dans la globalité. Il n’est pas raisonnable de vouloir le beurre et l’argent du beurre. Les Africains sont-ils prêts à sortir de l’argent de leurs poches pour donner les moyens à des candidats de se faire élire ? Sont-ils ensuite prêts à laisser les mains libres à leurs candidats élus de travailler pour toute la nation, sans aucune distinction, ce qui est le devoir de tout élu ? Si une réponse positive ne peut pas être donnée à ces deux questions, il est évident qu’on cherche autre chose que la démocratie. Si la réalité de leur pauvreté ne peut pas leur permettre de financer leurs candidats, alors qu’ils ne leur réclament point d’argent pendant les campagnes. Ou que les candidats arrêtent d’utiliser l’argent public qui est si peu suffisant, pour tromper les électeurs. Qu’on voit vraiment dans  ces conditions qui sera élu. Qu’enfin les responsables sociaux (chefs de villages, chefs coutumiers) se désengagent de la chose politique, restent neutres et équidistants de tous les candidats. Peut-on raisonnablement penser que tout cela soit possible aujourd’hui dans nos pays ? A réponse négative, conclusion claire : l’Afrique n’est pas mûre pour la démocratie. Ou autrement dit, il faut que les Africains se résolvent à trouver un autre moyen plus adéquat pour choisir leurs dirigeants !!!

 

Bétéo D. NEBIE



24/11/2008
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