Mythe As'ohendo
Mythe des As'ohendo
Les jumeaux ont toujours représenté, partout en Afrique noire, des êtres à part. Si à part que dans l'esprit de certains, ceux-ci sont pratiquement assimilés à des génies. De la sorte, il y a toujours eu des cérémonies spéciales aux étapes essentielles de leurs existences. Vrais comme faux jumeaux, ils ont été considérés comme une seule et même personne. Plus encore lorsqu'ils sont des vrais jumeaux. C'est ainsi que chez certains peuples négro-africains, les jumelles épousent toujours le même homme.
La cérémonie qui commande la prière que nous venons de citer, se passe au moment de la présentation des jumeaux aux esprits chargés d'assurer leur protection. Elle se passe généralement quelques jours ou quelques semaines après la naissance des jumeaux. D'une certaine manière, cette prière résume la création du monde dans le mental des As'ohendo. En effet, Lasa est l'Esprit supérieur, « l'Aîné des Esprits » comme ils disent. Akomasa est son siège. Akomasa signifie, « Ultime pouvoir » ou « Lieu de la joie intense ». Akomasa est aussi un arbre géant, suspendu entre ciel et terre. Son tronc est le cœur de Lasa. Les jumeaux, « paire sacrée » par excellence, viennent précisément du cœur de Lasa. Celui-ci a craché l'univers dans un grondement. Pour les As'ohendo, l'objectif de la vie est de devenir « pasa » c'est-à-dire : « Celui qui est installé au pouvoir, celui qui a accès à l'Inaccessible », autrement dit : Lasa lui-même ! Pour venir à la vie, les jumeaux descendent par Akomasa. C'est la raison pour laquelle ils ont des dons spéciaux, des noms spéciaux, faisant d'eux des spécialistes de prodigues et de miracles comme : arrêter ou faire tomber la pluie, dissiper le brouillard, changer les directions des vents, soigner les maladies, faire marcher les gens sur la tête…
Les jumeaux sont si importants que leurs géniteurs accèdent eux-aussi à la dimension de « pasa ». La légende rapportée ci-dessus trouve des échos jusqu'à l'origine de la civilisation africaine. Pour les Dogons, les jumeaux sont à l'origine de la création humaine. Si pour des raisons difficiles à comprendre, Amma le démiurge, par une suite d'impairs à créé le renard pale en premier, son intention était bien de susciter des jumeaux. Même si la naissance du renard pale a dû être géré par Amma comme un échec divin, la suite des évènements replaça les jumeaux comme les êtres bénéfiques sortis de l'imagination de Dieu. Du coup, le renard pale devint le pendant négatif du Bien voulu par Dieu pour l'humanité ! Amma aurait-il pu agir autrement ? Possible. Toujours est-il qu'aujourd'hui toute la création divine est fondée sur le dualisme, la dichotomie, le manichéisme.
Voilà le genre de légendes qui parlent à l'imagination et au moi profond des Africains. C'est sur des mythes du genre que notre intelligence devrait s'agripper pour que les ressources imaginatives, l'imagination créatrice chère aux révolutionnaires burkinabè des premières heures, puissent constituer des fermants catalyseurs de créativité et d'inventivité !
Mais au delà de la légende, quel comportement avoir envers les jumeaux aujourd'hui ? Faudra-t-il convenir de les considérer comme les autres hommes, ni pires ni meilleurs, ou le mythe devrait-il nous inciter à avoir des comportements particuliers à leur égard ? Voilà aussi le genre de réalités qui devraient être élucidés dans une société africaine en train de renaître.
Clémentine Madiya Faïk-Nzuji : La puissance du sacré : l'homme, la nature et l'art en Afrique noire.
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