peut-on révéler la parole? Pourquoi Wa Kamissoko est mort?
Peut-on révéler « la parole » ?
Le débat a toujours été d'actualité : pourquoi les Africains refusent-ils toujours de dévoiler leurs connaissances sauf parmi les initiés ? Est-il normal que l'on conserve du savoir sur une réalité et refuser de l'utiliser pour sauver par exemple une vie humaine ? Et cela est un faux débat !
Ici, il est inutile de faire de la morale. Il y a dans toute société humaine, le besoin de garder certaines informations ou certaines connaissances dans des cercles restreints, et cela pour des raisons diverses. Cela semble même l'attitude la plus intelligente : donne-t-on au bébé la nourriture des adultes ? Est-il raisonnable qu'un individu qui ne possède pas tous les atouts pour gérer une connaissance au profit de la société, soit doté de celle-ci, au risque de faire du mal ? A-t-on le droit de mettre la vie de la société en péril rien que pour des besoins d'une démocratie mal placée ?
Cependant le problème peut se poser autrement. Dans le cas de l'Afrique qui, au cours des siècles a subi tant d'injustices et de complots divers au point que ses dirigeants modernes en soient arrivés à ne plus rien savoir de valables par rapport à ce qui semble vital, peut-on encore cacher à ses responsables le minimum vital indispensable à leur orientation correcte pour une gestion meilleure du continent ? Faut-il, quel que soit delta, garder des connaissances au risque d'être responsable de la destruction de la société dont on est issu et pour laquelle ladite connaissance a été produite ?
Un homme africain de grand savoir s'est posé ces questions au milieu du XXè siècle et a décidé de répondre par la négative. Il s'est convaincu que si les connaisseurs africains ne disaient pas «
Pris dans un système occidental de communication et poussé au bout par des individus qui tenaient absolument à prouver que dans le continent noir, jamais l'esprit n'a brillé, Wa Kamissoko a-t-il, dans son souci de prouver ses allégations, dépassé les limites tracées de commun accord avec la confrérie des griots ? Ou s'est-il agit au contraire de la méchanceté de personnes toujours jalouses du succès des autres, races d'avortons qui existent malheureusement sous tous les cieux ? On peut aujourd'hui difficilement trancher de manière très nette. Toujours est-il qu'au bout d'un temps qui n'a pas paru suffisant pour tirer du savant africain l'essentiel de ce qu'il était disposé à fournir, Wa frappé par une maladie mystérieuse, se retrancha dans la seule région où il espérait être soigné par les seules personnes à même de le guérir. Il fut emporté quelque temps après, par cette maladie identifiée comme du cancer et qui lui avait totalement rongé l'omoplate. La parenthèse ouverte par ce grand esprit de la connaissance surmonté par un humanisme à toute épreuve, se referma ainsi au grand dam de toute l'intelligentsia négro-africaine.
Peut-on s'empêcher de penser à toutes ses défaites et à cette humiliation que l'homme africain a enduré pendant des siècles alors que tout laissait penser qu'il avait de quoi résister victorieusement à ses bourreaux ? Comment cela se fait-il que chaque fois que les Africains maîtrisent une puissance, éprouvent-ils toujours le besoin d'en circonscrire l'utilisation, et d'y mettre des garde-fous tels qu'il semble que rarement des gens aient osé transgresser cette disposition ?
Indication bibliographique :
Youssouf Tata Cissé, Wa Kamissoko : « La grande geste du Mali. Des origines à la fondation de l'empire » (Traditions de Krina aux Colloques de Bamako) Editions Karthala, 1988
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