Africa Renaissance

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Pourquoi les religions révélées ne peuvent-elles pas expliquer la création de l'eau?

Pourquoi les religions révélées ne peuvent-elles pas

 

expliquer la création de l’eau ?

 

 

S’il existe  une évidence, c’est celle qui montre que les religions révélées ne peuvent nullement expliquer l’existence de l’eau dans la chaîne de la création. La conséquence colossale qui en découle, est que leur foi en un Dieu unique, éternelle, ayant existé de tout temps, se trouve en difficulté d’explication rationnelle. Cela est vrai que dans un tel cas de figure, au lieu d’accepter l’évidence, leurs adeptes ont pris l’habitude désastreuse de s’enfoncer dans des voies sans issues du genre : « Il faut croire et ne point chercher à expliquer ni à comprendre » !

Pour les Africains en revanche, la mission principale de l’homme sur la terre est de chercher à comprendre, à savoir ! Il ne s’agit donc pas pour lui de suivre, mais de connaître. Puisque chaque homme vient sur terre pour une mission, comment la remplir sans la connaître ? C’est la raison pour laquelle leurs pratiques religieuses sont souvent fondées sur l’expérimentation que d’aucuns appellent la magie, pour ne pas dire la sorcellerie, l’occultisme, etc., toutes choses auxquelles les religions révélées sont viscéralement opposées  et qu’elles considèrent d’essence satanique… Voilà une des raisons qui expliquent d’ailleurs que de tous temps, les Africains n’ont jamais séparé la religion de la vie tout court, ce qui fait qu’ils n’ont jamais eu de nom particulier pour désigner la religion !

Pour en revenir aux religions du Livre, ou religions révélées, elles sont au nombre de trois : le judaïsme, le christianisme et l’islam. Pour ces dernières, la foi est la seule base importante de toute religion. Pour ce qui concerne notre réflexion d’aujourd’hui à savoir la création de l’eau, elles sont par conséquent entièrement inopérantes quant à une explication acceptable,  c’est-à-dire une qui irait au-delà de la simple croyance. Pour la Thora et la Bible, la difficulté se constate dès les premiers versets, au moment où Dieu commence son œuvre de création par la lumière du premier jour. Quid des eaux sur lesquelles son esprit se mouvait avant cet acte ? Les deux livres sont muets. Dans le Coran, la référence est beaucoup plus en profondeur. C’est en effet à la Sourate  11 verset 7, qu’il est dit : « Et c’est Lui qui créa les cieux et la terre en six jours, pendant que son trône était sur l’eau ». Quand cette eau avait-elle été créée ? Le Coran n’aborde pas la question ! On est donc légitimement fondé à considérer que pour ces religions, la question de l’eau qui est de fait l’essence même de la vie,  est rejetée à la logique suivante : Puisque Dieu est à l’origine de toute la création, il est donc le créateur aussi de l’eau ! Comme le soutenait l’un de leurs adeptes, c’est une question d’évidence ! Malheureusement cette évidence est assez courte comme démonstration ici. Elle l’est d’autant plus que la religion africaine a un éclaircissement beaucoup plus édifiant, un avis beaucoup plus convaincant.

Pour les Africains de la Vallée du Nil par exemple, ce problème a été résolu par la Cosmogonie héliopolitaine. Dans ce royaume en effet, il y a eu plusieurs cosmogonies de la création, défendues chacune par les prêtres des temples des principales villes du pays, que sont Héliopolis, Hermopolis et Memphis.  Pour les prêtres de la ville d’Héliopolis donc, Dieu, qu’ils appellent Râ, est la première conscience qui prit conscience d’elle-même. C’est donc dire, d’une certaine façon qu’il est le premier être à avoir débuté l’existence. Seulement, il est le résultat de plusieurs processus. Le tout premier, avant donc l’apparition de Râ, est une substance informe, chaotique et inorganisée que les Egyptiens ont appelée le Noun et que les Bambara dans leur langue imagée ont dénommée le Vide Vivant. Cette matière qui a existé de tout temps avait deux principales caractéristiques : elle contenait tous les êtres en elle, mais seulement en puissance, et en son sein également, se trouvait le principe de transformation, du nom de Kheper. C’est sous l’impulsion de ce dernier, que Râ a apparu. L’explication égyptienne comble donc les non-dits des religions révélées dans la mesure où Noun était considéré comme de l’eau ! On comprend aisément dans ces conditions, qu’avant de commencer son œuvre de création, l’esprit ou le trône de Dieu se trouvât sur de l’eau !!!

La question qui pourrait sembler difficile dans une telle explication est donc la suivante : Dieu n’est donc pas le premier dans l’existence ? Pour les Egyptiens, la réponse est : Il l’est ! Et pourquoi ? Tout simplement parce que Noun n’était pas considéré comme une existence en soi, du fait de son inorganisation. Tout ce qui existe en effet est organisé. De cette manière par exemple, l’eau que nous connaissons et buvons, est très différente du Noun, puisque organisée. Chacun peut connaître sa forme chimique : H2O ! Rien de semblable ne peut être connu du Noun. Il est précisément l’inconnu, l’inorganisé, l’inexistant, le néant ! Comme l’a soutenu quelqu’un : « Le Noun c’est ce cercle dont  le centre est partout, et la circonférence nulle part » !

 

Cheikh Anta Diop : Civilisation ou barbarie ? Anthropologie sans complaisance. Présence Africaine. Paris. 1981

 

Bétéo D. NEBIE

(neb_beteo@yahoo.fr)



07/09/2010
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