Africa Renaissance

Africa Renaissance

Une solution à la boulimie des chefs d'Etat africains

Une solution à la boulimie des dirigeants africains.

 

Pour trouver une solution à la boulimie du pouvoir de nos dirigeants, il conviendrait peut-être de reconsidérer le rôle, les avantages et les charges du premier responsable de notre Etat ! Il n’est pas normal que devenir un chef d’Etat soit une courte échelle à la résolution de tous les problèmes matériels d’un individu ! Cela apparaît même indécent que quelqu'un qui a été choisi pour gérer tous les problèmes d’une société soit par ce fait, un homme heureux et matériellement entièrement satisfait. Et pour cause. Être chef d’une famille déjà, quel que soit le nombre des membres de cette dernière, cela n’est pas une sinécure. Alors comment peut-on concevoir que gérer tout un Etat, c’est-à-dire les problèmes de toutes les familles, devienne aussi agréable que douillet ? Cette situation sied à l’Etat occidental où tout se monnaie, se conçoit bien et se paie à la hauteur de la tâche. Pour l’Afrique, cela ne peut jamais être pareil car, à aucun moment, cela ne l'a été dans l'histoire.  Il y a des preuves.

Et pourtant, chaque jour que Dieu fait, quelque part en Afrique, il y a vive opposition entre protagonistes du pouvoir. Jusqu’ici, l’explication a été que les Africains sont si friands de pouvoir, qu’ils ne respectent plus rien, jusqu’à leurs propres paroles et engagements. Même ceux qui y arrivent fortuitement, ne veulent plus quitter une fois installés au pouvoir. Ce n'est certainement pas Robert Guéi qui nous démentirait ! On ne parle donc plus de ceux qui cherchent et qui obtiennent ce pouvoir.  Le comportement est-il vraiment atavique comme certains aiment à le soutenir ?

 Comment et sur quoi se fonder dans la recherche de solutions pour l’Afrique ?

L’élément sur lequel il faut fonder toute réflexion sur des problèmes de sociétés, c’est sans doute l’histoire et la culture de chacune d’entre elles. En effet, il est devenu un lieu commun d’affirmer que sur de tels problèmes, il ne peut y avoir ni de solution miracle, ni de solution uniforme, ni de solution valable partout et à tout moment. Il ne peut y avoir que des solutions univoques aux différentes sociétés. Certes, cela ne saurait signifier que tout soit entièrement différent d’une société à l’autre. Bien au contraire, il est important de comprendre qu’il y a toujours des invariants dès qu’il s’agit d’hommes ; les différences ne peuvent se situer que sur l’évolution culturelle fondée sur une histoire spécifique. En effet, même si tous les hommes sont les mêmes dans les dispositions et les tendances humaines, les groupes sociaux sont quant à eux, particuliers eu égard à leur évolution et leur histoire spécifiques. Les solutions toute trouvées sont dans ce sens, parfois plus dangereuses qu’utiles.

Dans cette logique, il faut dire que la société africaine, à un certain niveau de profondeur est la même ; les solutions africaines doivent être recherchées et proposées de manière commune. L’Afrique, avant d’être divisée et partagée entre rapaces de tout acabit, était véritablement une, dans sa vision du monde, sa manière de penser et même dans son expression linguistique. Il ne faut jamais oublier « Les deux berceaux » du professeur Cheikh Anta Diop, à ce niveau précis[1]. Je sais que le sang de certains vautours ne fera qu’un tour en lisant ces lignes, mais ils doivent désormais savoir que de plus en plus, ces genres de positions deviendront chaque jour plus nombreuses et plus soutenues, au fur et à mesure que les Africains s’affranchiront de la tutelle intellectuelle dans laquelle ces hurluberlus pensent avoir définitivement ferré nos intellectuels.

Par conséquent, pour notre bien commun, il est plus indiqué de rechercher des solutions africaines, quitte plus tard, à les adapter à des communautés africaines spécifiques, plutôt que le contraire. Le comment de notre gros titre a déjà trouvé un début de réponse même si elle n’est pas holistique. En comprenant qu’il convient de partir de solutions globales pour aller vers les spécifiques, nous trouvons un mode de réflexion qui peut en effet être rationnelle et productive.

Du coup le « sur quoi » devient plus aisé à manipuler. Nous avons dès lors la possibilité de nous pencher sur l’histoire africaine pour tenter des solutions plausibles. Mais attention : nous ne parlons pas de cette histoire africaine rafistolée que nous servent les Occidentaux et les autres, dans leurs objectifs de nous égarer sur la poursuite d’ombres au lieu de courir après les vraies proies. Nous avons le devoir de nous servir de « l’histoire longue » qu’on tente de nous présenter comme une recherche vaine et impossible en Afrique. Quelle est-elle donc cette histoire longue ?

Dans la manière de retracer l’histoire africaine, dans les écoles et les encyclopédies occidentales, on nous apprend qu’au-delà du Ghana, c’est la « nuit noire » en ce qui concerne l’évolution de la société africaine. D’après ces ouvrages et encyclopédies, le Ghana est le premier vrai empire africain dont l’histoire peut être retracée. Il débute au IVe siècle apr.J.C. au plus tôt, c’est-à-dire aux alentours de 300 et quelques après la naissance du Christ ! Leurs propres recherches affirment cependant que l’homme est né en Afrique il y a 200 000 ans. Or cet homme « Lucie » comme ils l’ont appelé, était incontestablement noir. Comment cela se fait-il donc que cet homme noir pendant 200 000 ans n’ait rien laissé de notable, pour qu’une fois devenus hommes de races blanche et jaune, nés respectivement il y a seulement 20 000 et 15 000 ans, deviennent créateurs des civilisations grecque vers 800 avant J.C et mésopotamienne vers 3000 avant J.C. ? Civilisation mésopotamienne qui aurait, par la même occasion, inventé même l'écriture ? C'est dire que ces sources décrétées scientifiques, nous sont de peu d'utilité.

Nous savons aujourd'hui, que l'histoire humaine est partie du continent noir. C'est donc dire que la gestion de la cité, c'est-à-dire la manière de vivre ensemble, les règles qui doivent exister nécessairement entre tous les êtres humains qui vivent dans un même environnement, cela aussi a débuté en Afrique. Cela ne peut être autrement. Lorsque l'Egypte surgissait en effet, au  IVe millénaire avant J.C., bien après la civilisation nubienne dont elle tient l'essentiel, le reste du monde, tout le reste du monde, était à l'âge ethnographique, c’est-à-dire dans la barbarie. La fameuse civilisation mésopotamienne, malgré les efforts pour la mettre au niveau de celle de l'Egypte, n'a malheureusement rien laissé de semblable à ce que les pharaons ont laissé et qui est aujourd'hui encore visible (obélisques, pyramides, momies, hiéroglyphes) ! Si donc nos ancêtres ont créé et géré des Etats dont la renommée illumine encore l'humanité, comment cela se fait-il alors qu'aujourd'hui, le continent noir soit plongé dans cette barbarie politique à nulle autre pareille ?

Un monde plongé dans une gestion calamiteuse de la cité.

J'ose croire que nul n'aura l'outrecuidance de nier que la politique, telle qu'elle est pratiquée de nos jours sous nos cieux, est d'origine occidentale. Cela est advenu par la domination que les Occidentaux ont exercé et exercent encore sur l'humanité, depuis leur décision de conquérir et d'ordonner le monde dans leur seul intérêt. Contrairement à ce que certains peuvent penser, cela est relativement récent.

L'Occident a émergé dans la civilisation depuis la Grèce et politiquement surtout avec la Rome antique. C'est à Rome que s'est concrétisée la pratique politique en Occident. Leur gestion de la cité a été émaillée par une barbarie qu'on n'a connue nulle part ailleurs. Le concept de "politique" vient essentiellement de la civilisation occidentale qui la tient de la Grèce et de la Rome antique. La constance est que la pratique politique de l'Europe n'a jamais été exempte de violence. Si les assassinats flagrantes et les violences diverses ont pris un visage édulcoré, leur essence a toujours été présente dans la politique occidentale. Cela explique que jusqu'aujourd'hui, dans ces nations dites civilisées et "développées", cette violence n'a jamais disparu : assassinats politiques, corruptions, injustices sociales criardes, etc. A y regarder de près, on voit que cette façon de faire, a ramené l'Occident dans la barbarie où la loi du plus fort est préférée à la loi tout court. Et cela ne saurait jamais être autrement là où seul l'intérêt individuel est l'unique boussole.

La pratique actuelle de gestion de la cité africaine est donc entièrement d'essence occidentale. Or cette gestion est en rapport de contrariété avec la manière dont l'Afrique a toujours agi. Il s'agit donc avant toute solution durable, de se poser la question de savoir si cela est possible de sortir de cette façon occidentale de gérer la société. Toute l'interrogation est là !

Pour tenter une solution, il nous sera peut-être possible d’essayer une pratique bien de chez nous, face à cette histoire de dirigeants africains toujours accrochés au pouvoir. Il s’agit de la manière dont l’Afrique, depuis l’Egypte pharaonique jusqu’aux empires du Ghana et du Mali, a considéré le « pouvoir ». Ou plus précisément la manière dont le roi, l’empereur, bref le premier responsable de l’Etat a été conçu. Pour aller à l’essentiel, on sait qu’à aucun moment de notre longue histoire, la plus longue de toutes les autres, le chef de l’Etat n’a jamais pu être un homme (ou une femme) totalement « indépendant » dans ses faits ou ses gestes. Ceux-ci apparurent entièrement codés de telle manière que pour certaines visions comme celle de l’Occident, ce chef apparaissait comme un « esclave » ! Du reste le terme "ham" qui était attaché au pharaon, signifie à la fois "maître" et "esclave" ! D’ailleurs, les vestiges de cette façon de faire s’observent encore dans les sociétés africaines qui ont gardé leurs spécificités dans leur gestion de la cité. C’est le cas par exemple pour le Hogon des Dogons[2]. La dernière manifestation des cérémonies d’investiture du dernier des Hogon d'Aru est assez explicite à cet égard[3].

Pour donc trouver une solution africaine digne de ce nom au problème de la boulimie actuel des dirigeants africains, il faut la rechercher au niveau du rôle que le premier responsable doit jouer, et les charges auxquelles il devra être soumis. Pour confirmer ce que nous avançons, nous nous rappelons du fait que jusqu'aux années 1950-1960, au moment de notre jeunesse, être tout simplement "Chef de Terre" d'un village était si ardu, que beaucoup de prétendants fuyaient pour éviter d'être investis !

Et si le problème se résout au niveau du premier responsable, il le sera plus aisément aux autres niveaux.

Gérer une cité ne devrait jamais être perçu comme une sinécure ! Pour cela, le « chef » quel que soit le nom qu’on pourrait lui attribuer, devrait être celui qui porte la société entière. Or celle-ci est nécessairement lourde, et ses problèmes devraient peser obligatoirement sur la tête et les épaules de celui qui la porte. A ce niveau, il faut d’ailleurs ajouter qu’il ne saurait être question de gérer seulement une partie de la réalité des citoyens. Ainsi, il ne saurait être question de trouver des activités dont la charge ne relève pas du premier responsable. Dans ce sens, parler d’un Etat laïc est un non-sens ! C’est en adoptant des faux-fuyants comme ceux-ci, que l’Etat occidental s’est débarrassée de la religion et a tracé une démarcation entre l’homme croyant et sa composante citoyenne tout court. Va encore là où il y a une notion claire de la religion. Qu’en est-il, comme en Afrique, où cette notion n’a jamais été perçue comme quelque chose de particulier, séparable du reste du comportement humain ?

Mais, pour que tout ceci fonctionne, il y a tout de même une condition. Il est évident que le premier responsable ne sera pas naturellement obéissant et moralement irréprochable tout simplement. Il lui faut un garde-fou infaillible : le Gardien du Temple du Pouvoir. Et ce dernier qui sera du domaine du Visible et de l'Invisible, sera d'autant plus convaincant qu'il sera matériellement et spirituellement correctement assis!

On dit qu'un singe était si beau, qu'il trouva en deçà de sa beauté, d'épouser une guenon. Il se mit donc en chasse pour une épouse digne de sa beauté, et tomba sous les charmes d'une belle biche, si fine si mignonne. Il lui demanda et obtint un rendez-vous pour le soir même. Pendant qu'ils s'entretenaient, une amie de la jeune biche entra et s'écria : " Oh ! quel est ce garçon aux yeux si enfoncés !" Les larmes aux yeux, notre "beau" singe apprit ainsi à ses dépendant :  qu'"On ne saurait être beau que parmi les siens !"

L'adage est bien à-propos qui soutient que : " La pauvreté peut diminuer la nourriture, mais ne saurait diminuer la parole" !

 

 



[1] - Cheikh Anta Diop : Civilisation ou Barbarie ? Editions Présence africaine. Paris . 1981

[2] http://fr.wikipedia.org/wiki/Hogon#Intronisation

[3] - http://www.academia.edu/8343364/Le_Hogon_dArou_chef_sacre_chef_sacrifie_



12/06/2015
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